En direct de l’ouragan Elsa

En direct de l’ouragan Elsa

Vidéo en lien avec l’article : Le cyclone Elsa arrive sur nous ! Que fait-on ?

Nous voilà maintenant dans la période cyclonique depuis le début du mois de juin. Il faut savoir que le gros de la saison débute dès août. Nous attendons des amis en Martinique, puis nous descendrons fin juillet vers le sud. Nous sommes davantage attentifs à la météo et prêt à descendre plus au sud pour nous mettre à l’abri.

Nos yeux sont rivés depuis 5 jours sur une première dépression, mais ce n’est pas celle-ci qui nous alerte mais bien la suivante qui arrivera 2 jours après la première. Une tempête tropicale se développe, la puissance et la trajectoire restent incertaines.

En moyenne depuis 1991, la formation du premier ouragan en Atlantique a lieu aux alentours de la mi-août. Elsa bat le record de précocité au 1er juillet 2021. Ce phénomène a plutôt tendance à naître au mois d’août, septembre et octobre.

Que faut-il faire ?

Un des moments les plus délicats est la prise de décision. Que faut-il faire ? Rester ou fuir ? L’instinct de fuite est bien présent. Nous restons des animaux et l’instinct de survie reste la fuite. La mer actuellement reste mauvaise et la première onde tropicale va passer. Un avis de grand frais est en cours qui nous fait nous décider à rester, en plus de la trajectoire qui est revue plus au sud. Si nous descendons, nous ne sommes pas à l’abri qu’elle descende et que nous nous prenions la renverse de vent dans l’abri. Nous connaissons mieux les environs de la Martinique, cela reste rassurant et nous ouvre le champ des possibilités. Nous nous rendons compte que la décision est vraiment difficile à prendre, il y a tellement de possibilités d’évolution ! La nature reste la reine de notre terre. Nous compterons sur notre bonne étoile.

Nous décidons donc de rester. La prochaine décision est de savoir où nous nous abritons. Remonter vers le nord de la Martinique, rester à Sainte-Anne, se mettre à une bouée dans la baie du Marin ou se mettre dans la mangrove. Nous prenons la décision de nous mettre dans la mangrove avec trois autres bateaux copains.

La décision prise, la tension et le stress diminuent. Le calme de la mangrove est apaisant et nous fait oublier le futur et nous voilà revenu, en un tourbillon, dans le moment présent, pour le moment.

Niue est prêt dans la mangrove

Voilà Niue solidement amarré dans la mangrove. Ancré par l’avant avec 50m de chaîne, amarré par l’arrière aux palétuviers avec deux aussières sur chaque jupe et le bordé tribord également. Nous avons tissé une toile d’araignée avec les autres bateaux.

Nous avons retiré tout ce que nous pouvions sur le pont : tauds, coussins, pare-brise, batylines et jouets. Les voiles sont ferlées, l’annexe souké, paddles dégonflés et parres-battages prêt à être mis.

trou à cyclone 1

Nous tenions à remercier les bateaux copains Vanilla, Zébulon et Reva Kat pour leur aide, leur accueil et les moments passés ensemble. Mettre des idées, des réflexions en communs, partager et s’entraider. N’est-ce pas de belles valeurs ?

Une évolution changeante

L’onde tropicale évolue à plusieurs reprises. Au départ, elle se nommait 97L. Elle est devenue une tempête tropicale. Elle s’est vue porter le doux nom d’Elsa, puis est devenue un ouragan de catégorie 1 peu de temps avant d’arriver sur l’arc antillais.

Il y avait plusieurs trajectoires possibles. On a cru qu’elle allait passer sur la Martinique avec des vents avoisinant les 90 nœuds (170 km/h). Elle est finalement restée plus au sud et les derniers vents annoncés était jusqu’à 55-60 nœuds (110 km/h). Elsa a eu de la difficulté à s’organiser en raison notamment de l’air chaud et sec plus au nord et à un anticyclone bien présent dans le nord.

L’œil du cyclone passe au nord de Saint-Vincent. Nous pensons évidemment bien a eu, d’autant plus qu’ils ont subi l’éruption volcanique il y a peu.

Elsa a été classée en ouragan, mais ce classement est un peu inhabituel au vu de son organisation qui n’est pas claire. Elle est classée en ouragan surtout par rapport à l’intensité de ses vents accentuée par sa vitesse de déplacement importante. Dès son entrée dans la mer des Caraïbes, Elsa a continué à se consolider grâce aux eaux chaudes. Elle devrait prendre la trajectoire d’Haïti, de la Républicaine, de la Jamaïque puis Cuba et enfin la Floride. Elle risque de passer en catégorie 2, voir plus. Nous sommes en pensée avec toute la population de ces îles.

Une longue attente

Depuis 2 jours, les nuits sont mauvaises. Entre l’appréhension, la chaleur du fait du peu de vent dans la mangrove (quelle contradiction !) et les attaques de moustiques. Et oui, qui dit mangrove, dit moustiques.

Mais aujourd’hui, l’attente est vraiment longue. Nous attendons le pic d’intensité des vents. Ne pas savoir ce qui va se passer. Appréhender, sans être dans l’exactitude. Faire confiance aux météorologues. Être conscient de ce que la nature est capable. Être conscient de la puissance des éléments. On patiente. On écrit. On essaie de s’occuper, mais le mental est bien loin du temps présent.

Les heures passent et nous attendons toujours le pic d’intensité des vents. Elsa est maintenant passée en mer des Caraïbes. Notre girouette anémomètre indique des rafales à un peu plus de 30 nœuds grand maximum. Nous avons l’information que les vents dans la baie du Marin ainsi qu’à Sainte-Anne sont de l’ordre de 40 nœuds. Le plan d’eau est plat, nous apercevons uniquement les risées créées par les rafales de vent. Nous comprenons mieux maintenant pourquoi nous sommes dans un endroit appelé «trou à cyclone». Nous avons en moyenne 10 nœuds de moins. Nous entendons au loin des sifflements et voyons des arbres gesticuler, mais Niue ne bouge quasiment pas, pas de vibrations, pas de sifflements dans les haubans. Nous visionnons des vidéos qui se passent à quelques centaines de mettre dans la baie du Marin et les conditions ne sont pas du tout les mêmes.

Elsa est passée, emmenant avec elle ses vents et sa pluie pour aller montrer un peu plus loin sa force. Nous ressentons une sensation étrange. Nous appréhendions des conditions tellement plus difficile, des situations qui auraient pu être catastrophique. Notre esprit c’était préparé à des moments très forts, ce qui fût le cas surtout en amont. Il est difficile de vous partager ces émotions et cette sensation que nous ressentons. Elsa est bien passée mais c’est comme si nous l’attendions encore. Nous sommes dans notre trou à cyclone, reclu, protégé, décidément bien a l’abri. D’un côté cette nature nous montre sa force, se fait respecter, nous rappelle qu’elle est là, qu’elle demande le respect, il faut être humble face à elle. Et de l’autre côté, elle nous protège, elle nous donne les conditions nécessaire pour vivre sur terre.

Et les enfants dans tout ça

Les enfants ont été d’une grande aide lors de la préparation de Niue. Camille n’a pas exprimé de craintes particulières. Quelques confrontations entre frère et sœur. Naël s’est plus intéressé au phénomène météorologique. Cependant, il a montré une petite perturbation avec des variations barométriques (non météorologique mais intérieurement), qui fluctuait avec notre état de stress. Difficile de rassurer et d’anticiper les imprévus quand nous même nous ne savons pas !

Une première expérience pour nous, mais évidement que nous ne voulions pas subir. Nous apprenons sur la nature, sur la météo, sur les cyclones et c’est d’ailleurs très enrichissant. Nous pourrons mieux appréhender dans le cas où cette situation se représenterait. Nous retirerons comme à notre habitude du positif et nous avons encore grandit un peu plus intérieurement. Notre famille en ressortira avec une force supplémentaire.

Un temps pour méditer :

Toujours respecter et rester humble face à la nature.