Les péripéties continuent

Les péripéties continuent

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Nous voilà au large de la côte espagnole voguant en direction du nord de Benidorm pour une navigation d’environ 40 heures. Nous sommes en mer depuis le dimanche 25 octobre 2020 au soir, le but étant de rallier rapidement cette partie de la côte espagnole afin de par la suite effectuer des sauts de puce pour des navigations plus courtes et journalières. Nous avions d’autres options de prévues comme une halte à Barcelone ou un mouillage au sud de Barcelone, mais la météo ne s’y prêtait guère. Nous avons donc fait le choix d’effectuer une navigation de nuit.

Quand les péripéties continuent

La mer n’est pas d’huile mais elle n’est pas trop inconfortable. La première nuit fût assez calme, les enfants ont bien pu se reposer dans la cabine arrière. Patrice et moi avons effectué nos quarts de nuit, nous alternons toutes les 3 heures la veille. Une bascule de vent devait se faire dans la matinée, mais a décidé de s’effectuer à 5 heures du matin. Et là, première avarie : le vent a tourné sans prévenir et nous avons fait un empannage involontaire, chose tant redoutée chez les marins car il peut amener de gros dégâts matériels. Pour preuve, nous avons arraché notre cadène de pont et une partie du pont ainsi qu’une poulie et un taquet. Une retenue de baume était en place (ce qui empêche la baume de bouger) et avec l’empannage tout a été arraché. Ça c’est fait et testé, on réparera lorsque nous serons au mouillage.

La mer est hachée et nous bouscule dans tous les sens. Le vent se calme, mais cette fois-ci la mer ne se calmera pas. Elle ne nous laissera pas reprendre des forces et apaiser nos estomacs. Nous sommes le lundi 26 octobre 15heures, le vent est quasi nul et nous mettons les moteurs en route. Les vagues frappent dans tous les sens sur les coques de Niue quand soudain nous entendons un choc un peu plus sourd, mais aussi spongieux. Nous avons tout de suite su que nous avions percuté quelque chose. Patrice et moi nous précipitons dehors et apercevons une baleine à fleur d’eau. Elle est resté ainsi jusqu’à ce que nous ne l’apercevions plus. Nous pensons qu’elle dormait. Le choc a dû se faire perpendiculairement et n’a pas eu l’air de déranger cette chère baleine. Nous nous sommes quand même posé la question si celle-ci était bien en vie. Nous sommes allés voir à l’avant du bateau pour évaluer les dégâts, ils avaient l’air inexistants. Nous plongerons à notre arrivée au mouillage. A ce moment là, les multiples avaries depuis le début ressurgissent et nous font nous poser des questions.

Le vent a repris et nous voguons à belle allure en direction de la côte espagnole. La mer est plus agréable, nos estomacs se dénouent en même temps que les tensions. Nous savourons maintenant la belle nuit étoilée que nous offre le ciel et une merveilleuse lune qui se couche couleur orangée. Cela faisait longtemps que nous n’avions pas revu une nuit comme celle-ci, trop longtemps. La pureté de la nature, loin de toute pollution, ces détails dans cette immensité. Je respire et mon corps se détend.

Mardi 27 octobre au petit matin. Le jour se lève durant mon quart, je fais mon tour d’horizon et observe le bateau. Quelle surprise quand j’aperçois le bleu du ciel à travers la grand voile. Ah mais ça faisait longtemps, combien 16 heures que nous n’avions pas eu d’aléa. Notre grand voile s’est décousue sur toute sa largeur au niveau de la 5ème et 6ème lattes. J’alerte Patrice et nous affalons de suite la voile pour éviter de l’abîmer davantage. Incompréhension et énervement, la voile que nous attendions tant pour repartir de Canet-en-Roussillon car elle était en révision vient de nous lâcher. Pas possible !

Impossible d’aller au mouillage prévu, nous devons trouver un point d’atterrissage pour effectuer nos réparations. Le plus proche se trouve à 20 miles nautiques, nous mettons donc cap sur Ibiza.

Remise en question

Ce second départ et ces avaries ne font rien pour nous mettre en confiance. Après le premier « faux » départ, la confiance en notre bateau ainsi que de l’équipage était déjà fragile, autant dire que maintenant elle n’était pas mieux qu’avant. Nous sommes arrivés au port de Sant Antoni complètement perdus. Il nous était difficile d’aller de l’avant, difficile de croire que ce rêve perdure, que les imprévus étaient trop nombreux, peut-être trop de malchance. Il était peut-être temps de se poser la question s’il fallait continuer dans ce projet ? Si ce n’était pas des mises en garde ? Fallait-il insister ? Je ne vous cache pas que j’ai eu envie de fuir à plusieurs reprises au beau milieu de la mer, mais une chose formidable en bateau c’est que vous ne pouvez pas le faire ; vous êtes donc obligés d’être face à vos craintes, face à vos émotions, face à vous même, et c’est là qu’intérieurement quelque chose se passe.

Quelqu’un écrivait qu’il ne fallait pas commencer à être superstitieux, il n’a peut-être pas tort. Une autre disait que la réalité est surtout ce que nous projetons sur elle, une phrase très intéressante n’est-ce pas ?  Nous avons changé notre regard et nous le voyons maintenant plus comme un défi, comme des situations qui nous rendrons plus fort pour la suite de notre voyage et de notre vie. Toute la vie est un apprentissage et ce voyage l’est d’autant plus à mes yeux. Nous repoussons nos limites, nous apprenons le respect de notre planète, nous écoutons la nature, être toujours plus humble et plus près de la nature. Les émotions sont telles que vous êtes obligés de vous remettre en question. Le partage avec vous qui nous suivez est d’une richesse inouïe, j’apprends tant de vous, de vos partages, des vos expériences et de votre regard. Je ne peux que vous remercier et j’espère en échange vous apporter autant que vous m’apportez.

C’est difficile de voir son projet être au ralenti, de ne pas pouvoir offrir à nos enfants ce que nous leur avions promis depuis déjà des mois, dur de savoir que nous devrions être déjà bien plus loin maintenant. Mais en même temps nous savons qu’intérieurement nous avons évolué et c’est ce que nous venons chercher, rien de ces mois n’est perdu. Quand j’entends ma fille de 5 ans nous encourager et nous dire « mais on va y arriver », je sais qu’il n’y a pas que moi qui m’enrichis.

Non nous n’allons pas baisser les bras, nous continuerons à avancer dans notre projet et trouverons toujours un chemin pour grandir, encore et encore.

Nous partons demain, samedi 31 octobre pour rejoindre la côte espagnole.

Un temps pour méditer :

Malgré les difficultés, osez vos rêves vous ne serez pas déçus.