Antigua, l’île aux contrastes
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Direction la Guadeloupe
Après plus de 6 semaines en Martinique, il était temps de partir voguer vers d’autres terres. Nous n’envisagions pas de partir vers le sud tout de suite car nous passerons la saison cyclonique, qui débute début juin et se termine fin novembre, dans le sud de l’arc antillais. Nous gardons donc cette région pour cette deuxième partie de l’année.
Malgré les restrictions sanitaires entre la Martinique et la Guadeloupe, nous voyons énormément de bateaux se déplacer d’une île à l’autre sans rencontrer de problème. Étant de nature à respecter au mieux les règles, nous décidons de ne pas partir pour la Guadeloupe, mais après plusieurs semaines à entendre les récits des bateaux voyageurs, nous commençons à nous poser la question d’y aller. Il est vrai que les règles posées ne semblent pas être contrôlées, ce qui n’incite malheureusement pas à les respecter ! Partagés entre ce sentiment d’envie d’explorer une nouvelle île et d’aller contre nos convictions, d’enfreindre les règles, nous décidons d’essayer.
Nous prenons donc la direction de la Guadeloupe comme seconde destination dans les Caraïbes, accompagnés d’un bateau copain, Moka V. Un départ effectué depuis l’anse Couleuvre, au nord de la Martinique, à la tombée de la nuit, en passant sous le vent de la Dominique et une arrivée au petit matin dans l’archipel des Saintes, en Guadeloupe.
Refus d’effectuer les formalités
Nous décidons de prendre une bouée aux Saintes mais elle nous a été refusée car nous n’avions pas de motif impérieux. Apparemment, les règles ont l’air d’être respectée à présent ! Quelques jours auparavant, des bateaux ont pu faire leurs formalités sans problème. Nous allons mouiller un peu plus loin et prenons le temps de réfléchir aux alternatives. Le lendemain, nous nous ferons contrôler par les douanes et questionner sur notre dernière destination. Quand ça ne veut pas, ça ne veut pas. Le plus drôle dans l’histoire, c’est qu’ils étaient autant voire plus étonnés que nous de voir qu’il n’était plus possible de faire les formalités d’entrée sans motifs impérieux. La communication entre les différents services n’a pas l’air fluide.
Un peu contrariés, nous décidons donc de faire une demande auprès du service agréé, pour savoir si nous pouvions entrer dans le territoire. Et oui, nous étions à ce moment-là bien embêtés. Nous avions fait notre sortie de la Martinique, donc impossible d’y retourner. La Guadeloupe nous refusait et les autres îles voisines demandaient un test PCR de moins de 72h que nous n’avions pas. De plus notre papier de sortie de Martinique commençait à dater de quelques jours et les îles anglophones ne rigolent pas avec ça. Bien sûr, malgré les arguments, on nous refuse le droit d’entrée en Guadeloupe.
Nous décidons donc de partir sur Marie-Galante qui fait partie de la Guadeloupe pour voir s’il était possible de faire l’entrée. Il faut savoir que les formalités d’entrée sur les îles françaises se font souvent dans un petit bureau, magasin ou bar, où se trouve un ordinateur. Personne ne vous demande rien, vous payez quelques euros et en retour vous avez le droit à votre papier d’entrée tamponné. Nous avions aussi également vu que sur cette île, il était possible de faire un test PCR. En arrivant sur place, la dame du magasin avait reçu des directives strictes, elle n’autorisait que les personnes ayant un motif impérieux. Plusieurs bateaux se retrouvaient dans notre cas.
Ne souhaitant pas être dans l’illégalité nous décidons de quitter la Guadeloupe pour nous rendre à Antigua, la première île en allant au nord. Nous essayons de faire un test PCR à Marie-Galante et là, pas de chance, plus assez de réactif pour le test, donc priorités aux personnes ayant des symptômes de la Covid-19.
Désolée pour l’histoire qui n’en finit pas. Nous trouvons un laboratoire sur la Guadeloupe et prenons rendez-vous. Le temps de remonter jusqu’à la ville du dit laboratoire, nous voilà le jour du prélèvement. Une fois effectué, nous remontons et tentons d’effectuer les formalités de sortie malgré celle d’entrée non effectuée. Nous avons pu voir que les deux n’avait pas l’air d’être en lien. Le cœur palpitant, les mains moites et le temps qui n’avance pas, nous attendons, les enfants et moi, impatiemment Patrice revenir. Des films, des scénarios se bousculent dans ma tête, je vous l’ai dit enfreindre les lois ce n’est pas une chose pour moi. Tout ça me rappelle deux événements de ma jeunesse où je me suis dit plus jamais, c’est tellement contre moi, contre ma nature, tellement inconfortable et angoissant. Une bouffée d’air me remplit, je vois au loin la silhouette, cette silhouette que je connais si bien ainsi que chacun de ses mouvements. Il plie son poing et son pouce se soulève ; soulagés nous pouvons partir de cette terre interdite pour le moment.
En prenant du recul, en prenant le temps d’écrire, nous prenons le temps de retirer du positif, d’apprendre de soi, de son fonctionnement.
Bienvenue à Antigua
Nous avions eu écho de cette belle destination, des formalités Covid raisonnables et nous l’avions envisagé comme second plan. L’entrée nécessite un test PCR négatif 72h avant, un contrôle sanitaire à l’arrivée qui consiste à la prise de température et à remplir environ 6 questionnaires. La cerise sur la gâteau, les enfants n’ont pas besoin d’effectuer un test PCR en-dessous de 11 ans. Un test PCR n’est déjà vraiment pas agréable, voire douloureux selon la personne qui le fait, chez un enfant ça se complique et chez une personne autiste encore plus. Il faut savoir que les autistes ont une sensibilité différente des neurotypiques. Ils peuvent être hyposensibles ou hypersensibles, et parfois les deux. Vous rajoutez un endroit inconnu, des personnes inconnues, un geste inconnu, des imprévus, de l’incompréhension, de l’anxiété et j’en passe, autant dire un moment traumatisant pour eux. Pour notre fils, la plus grande difficulté rencontrée est le geste. La pharmacienne de La Gomera aux îles Canaries n’a pas fait longtemps avant de se dire qu’elle allait plutôt faire le prélèvement au niveau de la bouche !
Après une navigation d’environ 6 heures, quelques heures d’attente sur le bateau, en fait environ 24 heures à attendre le médecin pour qu’il valide nos tests, notre température et nos questionnaires, nous voilà apte à effectuer nos formalités d’entrée. De suite, nous nous sentons bien. Nous nous sentons ailleurs. La langue, leur approche, leur raisonnement, leur faciès, leur démarche, leurs expressions, tout est nouveau. Tout est à découvrir, à apprendre, à analyser. On se sent enrichi intérieurement. Découvrir et explorer sont pour nous l’essence même du voyage et de la vie tout simplement.
English Harbour
Notre entrée se fait donc à English Harbour, au sud de l’île d’Antigua. Dans ce port, se trouvait la principale base navale britannique aux Antilles au XVIIIème siècles, sous les ordres de Nelson. Le site rassemble plusieurs bâtiments historiques pour la plupart restaurés, bordé d’une enceinte fortifiée. Le site est classé au patrimoine mondiale de l’UNESCO.
Le site est agréable, très propre, très bien restauré, mais une sensation étrange nous parvient dès lors que nous sortons de l’enceinte fortifiée. Le contraste se fait de plus en plus ressentir à force que nous marchons. L’Antigua du port, n’est pas le vrai Antigua. Nous nous apercevons vite que cette île n’est fait que de contrastes saisissants, presque incompréhensible, en tous les cas surprenant. Des yachts, des voiliers de 20 m de long, quand les locaux n’ont qu’une barque en bois de 6m. Des villas immenses avec piscine, toit en béton pour se protéger des cyclones, quand les locaux n’ont qu’une petite cabane avec un toit en bois. Des supermarchés comme chez nous, extra propre, gigantesques quand tu as un shop de 25 m² en bois avec le strict minimum dedans et des cafards. Nous n’en avions pas fini avec ces contrastes !
Mouillage désertique
Nous décidons de rejoindre un bateau copain avec qui nous communiquions via les réseaux sociaux afin de nous rencontrer, et de trouver des enfants pour jouer avec Naël et Camille. Nous remontons donc la côte Est et arrivons à Green Island, où nous jetterons l’ancre pour 6 jours. Jolie petite île inhabitée où nous croiserons une tortue de terres, des oiseaux, des cactus, des tortues de mer et des raies léopards. Une petite balade nous mène jusqu’à la côte au vent. Un joli pique-nique avec les bateaux copains et des enfants heureux d’être en collectivité. Nous y retrouverons un peu des Bahamas que nous connaissons déjà et l’envie d’y retourner pour montrer cela à nos enfants nous anime. Nous retrouverons la même ambiance à Bird Island au nord, mais le temps n’y était pas propice pour y rester longtemps.
La vraie Antigua
Pour certains peut-être Antigua fait référence aux hôtels de luxe, aux marinas de luxe, aux plages privées, à faire du jet ski, à être dans le paraître. Antigua c’est avant tout des villages ou villes simples, colorées, avec sa culture bien à elle. Une population assez réservée mais accueillante, notamment dans le village de Parham Harbour que nous avons pu découvrir. La capitale Saint-John’s ,que nous avons énormément appréciée, nous a fait voyager pour son authenticité et le vrai Antigua. Nous préférons sans aucun doute ce côté d’Antigua, beaucoup plus simple et enrichissant. Oui, ce serait vous mentir si je vous disais que jamais je n’ai été effleurée par l’idée d’être un moment seule et/ou avec Patrice dans un lieu luxueux où les enfants seraient gardés et où on nous servirait à boire et à manger ! Je finis par accepter ces idées qui me traversent la tête, je sais que j’apprécierais certainement cela mais que l’ennui se ferait bien vite ressentir et que cette pulsion de découverte reviendrait au galop.
Des sentiers de randonnées
Antigua propose des sentiers de randonnée balisés presque à chaque mouillage. Nous avons pu en effectuer quelques unes que nous avons beaucoup appréciées.
En partant d’English Harbour il y a le Middle Ground Trail de Fort Berkeley à Pigeon Beach, vous revenez par le village de English Harbour. La plus belle est sans aucun doute la Jones Valley Trail avec plusieurs possibilités de chemins. Des points de vues incroyables sur Freeman Bay, Falmouth Harbour et la côte abrupte. Une végétation piquante de par son nombre incalculable de cactus.
En partant du mouillage de Deep Bay, vous avez la possibilité de gravir le sommet au nord de la baie afin d’atteindre le Fort Barrington avec un point de vue sur la baie de Saint-John’s. Nous sommes redescendus sur Shipstern point et avons longé la côte les pieds dans l’eau. Gare aux oursins !
Selon l’endroit, il est possible d’explorer les environs mais il faut aussi savoir que souvent les parcelles sont privées et que nous sommes vite contraints à rebrousser chemin.
La belle et sauvage Barbuda, pour l’instant !
Barbuda c’est des kilomètres de plage sauvage, du sable blanc d’une douceur comparable à de la farine, par moment du sable rose , juste incroyable ! Une eau cristalline bleue turquoise. Des raies léopards, des tortues. Sensoriellement, c’est un endroit apaisant, ressourçant, apportant douceur au toucher, le visuel est adouci par les couleurs se mélangeant parfaitement, sans agressivité. Regarder les tortues et les raies nager est hypnotisant, relaxant.
Barbuda est signe de nature. Une réserve de frégates est à découvrir dans le lagon de Codringthon la capitale. Une unique ville comptant 1500 habitants. Des côtes au vent sauvage, la roche y prend des formes insolites selon la composition du sol et l’impact de la mer sur celle-ci. L’exploration de grottes et de cavernes (Darby Caves). C’est également des mouillages déserts, loin de tout et vivre de rien. Des échanges avec les locaux et d’autres bateaux, autour d’un feu, finiront par nous combler.
Cette nature et cette quiétude sont en train de disparaître tranquillement pour laisser place à un complexe de haut standing. Je laisse chacun réfléchir et penser à ce que notre société a de bon ou de moins bon à offrir à la nature, aux autres, à nous !
Nos enfants dans la découverte
De ce que nous voyons, nos enfants ont l’air de prendre autant de plaisir que nous à découvrir d’autres horizons. Ils apprécient explorer de nouveaux endroits, trouver de nouvelles occupations et partir à la conquête de terres inconnues. Nous nous amusons à écouter leurs remarques, leurs questions, ainsi qu’à observer leurs émerveillements et leur évolution.
Nous remarquons également que la rencontre avec d’autres enfants est source de difficultés pour notre fils autiste. Un trop plein se fait ressentir après quelques jours. Il est souvent difficile de trouver la cause à tel ou tel comportement, nous cherchons des pistes depuis plusieurs années maintenant. En prenant du recul avec ce voyage et en nous éloignant de la socialisation, nous remarquons que le bien-être de notre enfant augmente. Nous voyons nous que sociabiliser sur plusieurs jours est coûteux pour lui, d’autant plus «en pratiquant» moins au quotidien. Nous avons l’opportunité avec ce voyage d’avoir le choix de quand sociabiliser et quand ne pas sociabiliser. De respecter plus les besoins de notre enfant et rien que pour cela notre voyage est réussi. Après avoir trouvé une des causes à son trop plein, à son inconfort, il est maintenant temps de l’accompagner dans l’apprentissage suivant et pas des moindres, la prise de conscience (qui a déjà commencé), l’anticipation et l’écoute de ses besoins.
La suite
Nous repartons pour la Martinique pour divers rendez-vous et besoins. Nous accueillerons des amis et fin juillet nous nous dirigerons plus au sud vers le Grenadines.
Un moment pour méditer :
Ce voyage, nous fait prendre de la hauteur chaque jour un peu plus. Prendre de la hauteur, c’est prendre du recul et se sentir moins oppressé, se sentir plus libre. C’est sentir son corps se détendre, cette sensation de serrement se relâcher petit à petit. C’est sortir un peu de cette pression sociale, des normes imposées.
et aujourd’hui nous fêtons l’anniversaire de mon ami Pierre-André qui vous porte très fort dans son coeur.
Vous avez certainement hérité de son ouverture d’esprit et de sa continuelle curiosité pour la vie et le monde qui nous entoure.
Eh oui et nous le remercions pour cette vision qu’il nous a transmise!
Bonjour et merci pour ces descriptions si justes et sensibles de ces deux îles merveilleuses que sont Antigua et Barbuda. Perso, je trouve le mouillage devant Falmouth plus sympa que English Harbor. C’est moins « tape à l’oeil » (Cf. les super monocoques de + de 20m côté English Harbor…). je vis à Bouillante, Guadeloupe, où mon Catana 431 OXO est mouillé toute l’année, quand nous ne naviguons pas ensemble. Je descendrai à Carriacou tout début septembre, sauf si d’ici-là, la météo m’oblige à anticiper… On s’y vera peut-être, à Tyrell Bay. J’y laisserai OXO pendant la saison cyclonique, pour les habituels travaux d’hivernage ! Je serais en tout cas ravi de faire votre connaissance à tous les quatre ! Eric
Bonjour Eric.Milles excuses pour cette réponse tardive, je de dois dire que j’ai un peu perdu le fil de notre blog, mais nous revoilà. Merci de vos commentaires. Avez-vous pu mettre votre bateau OXO à Tyrell Bay compte tenu du confinement ? Nous n’avons donc pas été à Grenade et sommes partis plus à l’Ouest, à Curaçao.