La descente vers Gibraltar

La descente vers Gibraltar

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Ça y’est après plus de 700 milles nautiques depuis Le (second) départ et 1130 milles nautiques si l’on compte Le (faux) départ, nous voilà arrivés à Gibraltar ce mardi 10 novembre.

Une étape quelque peu rocambolesque

Comme vous avez pu le lire dans les articles précédents tout ne s’est pas vraiment passé comme prévu. En fin de compte, depuis la livraison du bateau tout ne va pas dans le sens que l’on souhaiterait ! Mais la vie n’est-elle pas un chemin non défini, semé d’imprévus autant positifs que négatifs, et où l’avenir est incertain ? Nous prenons la décision d’apprendre de cela, de se remettre le plus possible en question afin d’évoluer et de toujours voir plus loin, évoluer dans cet inconnu. N’est-ce pas plus intéressant ? Nous avons le choix. Le choix de s’apitoyer sur notre sort, de baisser les bras, de croire à un mauvais karma, ou le choix de grandir de cela et de positiver. Le choix de notre choix, de faire perdurer notre rêve dans la même direction ou alors avec quelques degrés d’écart. Nous pourrions croire que ceci est un échec, mais le plus important est d’être en accord avec soi-même, ces choix appartiennent à la personne elle-même ou tout au plus au couple, au petit cercle familial.

Une perte de confiance

Cette étape nous a mis à rude épreuve autant pour Patrice que pour moi. Cela fait dix ans que nous n’avons pas navigué et bien que nous avons beaucoup d’acquis, ce détail n’est pas négligeable. Certains de nos réflexes ne sont pas au niveau de nos attentes, se remettre dans cette vie, ce fonctionnement n’est pas chose aisée. Nous avons l’impression que tout ce que nous faisons est faux et que rien ne réussit vraiment comme nous le voulons. De la colère envers nous-même, de l’agacement, de l’insatisfaction, une perte de contrôle de la situation et aussi un peu de peur de ne pas pouvoir gérer une situation. Au fond de nous, nous savons que l’être humain trouve toujours les ressources nécessaires pour se sortir de situations compliquées, mais nous préférons garder cela en tête plutôt que de l’affronter.  Il n’est pas facile de sortir d’une vie où tout est presque prévisible, où il est possible d’éviter les inconforts, où nous avons un certain contrôle, où professionnellement nous nous sentions forts et valorisés.

Je me suis fais peur lors de notre navigation dans 50 nœuds de vent avec un bateau que nous ne connaissions pas. Lorsque je vois du rouge sur les fichiers météorologiques, qui indique un vent fort, mon estomac se noue autant que ma gorge, mes mains sont moites et il m’est impossible d’avaler quoique ce soit. La peur a un peu diminué suite à une navigation où nous avons eu 40 nœuds en vent arrière, mais il me faudra encore beaucoup de milles avant d’être plus sereine. Avec l’âge, nous devenons plus peureux, l’insouciance est moindre. Je suis admirative des personnes qui comme nous partent en voilier pour leur retraite avec un niveau d’insouciance encore moins élevé.

Il nous faut maintenant reprendre confiance en nous, en nos capacités, en notre bateau et s’écouter, l’écouter.

Aveuglé par son rêve

Nous avons été certainement un peu trop naïf et trop confiant. Quand vous faites tout pour réaliser un rêve, que l’investissement et l’attente sont tellement importants. Quand tu retiens ton souffle pendant tant de mois pour enfin prendre cette bouffée d’air qui t’enlève cette sensation d’évanouissement, mais que cette bouffée d’air n’est pas suffisante pour t’enlever ce vertige qui fait tournoyer ce monde autour de toi. Quand tu prends conscience que peut-être tu t’es fait un peu avoir par toi même, que ton rêve t’a aveuglé, qu’il était impossible de voir tous les côtés du diamant en restant à sa place, le retour à la réalité est assez dur. Oui être aveuglé est assez douloureux et inconfortable !

Mais une chose est sûre c’est que nous ne pouvons qu’être aveuglés en voyant la nature et ses beautés.

Une descente pas comme on l’imaginait

Cette descente fut trop rapide à notre goût, mais en même temps interminable vu notre retour à la case départ et notre escale imprévue à Ibiza. Nous n’avions pas prévu cela. Nous aurions voulu prendre le temps de prendre un rythme, de visiter, d’offrir tout ce que nous avions « promis » à nos enfants, de les amariner et de plutôt naviguer sur de courtes distances. Mais le retard de la livraison du bateau et nos péripéties ont eu raison de nos bonnes intentions.

Nous voilà en autonome, les activités ne sont plus les mêmes, notre bateau n’est pas équipé pour le froid, la mer est plus capricieuse, le cocktail humidité-froid n’est pas des plus appréciables. Il faut l’avouer nous rêvons de chaud, de découvertes terrestres et d’aventures sous-marines. Vous pouvez imaginer notre joie d’être où nous sommes aujourd’hui.

Nous avons pu cependant vivre des instants intenses : des couchers de soleil, manger du poisson frais issu de notre propre pêche, voir son fils pêcher son premier poisson seul à l’arrière du bateau.

Cette descente fut une phase de découverte de Niue, d’adaptation, d’écoute de soi et de chacun de nous. La prochaine étape est de pouvoir prendre un rythme dans l’instruction en famille, d’être ensemble vraiment en étant dans le moment présent, de trouver un bien-être et de s’épanouir dans ce nouveau mode de vie.

Et les enfants

Les enfants ont l’air d’être bien, heureux des nouvelles choses qu’ils apprennent. Je pense qu’ils le seront davantage lorsque nous prendrons le temps de s’aventurer dans les terres aux îles Canaries. Notre fille apprécie les navigations. Notre fils, bien qu’au début il se montrait calme, a plutôt tendance maintenant à être impulsif et vif dans ses gestes. Il a pu exprimer qu’on naviguait un peu trop. Cette pause à Gibraltar est donc bienvenue et nous permet de leur offrir un peu plus de notre temps. La navigation de 4-5 jours sur les îles Canaries va nous permettre de voir comment ils se comportent avant la traversée de l’Atlantique.

Nous avons retrouvé un bateau copain du Québec rencontré à Canet-en-Roussillon, vous pouvez imaginer la joie, l’impatience et l’excitation des enfants de les revoir et de pouvoir jouer ensemble.

En résumé

Il y aura eu un mélange d’émotions intenses, de rires, de la joie, de la peur, de l’agacement, de la colère et nous ne sommes pas restés indifférents. Notre regard toujours un peu plus différent se porte maintenant sur notre prochaine destination les îles Canaries.

Un temps pour méditer :

Nous avons tous le choix.