Transpacifique – Journal de bord

Transpacifique – Journal de bord

Vidéo en lien : La Transpacifique, partie 1 et La Transpacifique, partie 2

Dimanche 10 avril – 13h TU

191 milles parcourus, 3’773 milles à parcourir.

Après avoir attendu quelques jours que la météo nous offre enfin une fenêtre pour partir, nous avons quitté le mouillage de Taboga à 14h30 vendredi 8 avril : direction Nuku Hiva aux Marquises à quelques 4000Mn.

La première après-midi s’est déroulée dans des petits airs, alternance de voiles et de moteurs. Nous avons débuté nos quarts de nuits à 20h pour 6h chacun. Le vent est monté progressivement jusqu’à 12/16nds puis a mollit en fin de nuit. Nous étions bien fatigués après cette première nuit. Nous avons eu la chance d’avoir la visite de dauphins dans la nuit. Ils ont dansé éclairés par le plancton phosphorescent, spectacle magnifique et envoûtant!!

Samedi 9 avril – jour 2

Début des petites routines, siestes, repas, veilles,… Nous avons attendu le vent toute la journée et il est venu vite et fort avec un grain orageux à 20h. Il a duré 1h30 avec un vent en rafales de 20/25nds. Nous avions anticipé et pris deux ris dans la GV ce qui nous a permis de bien gérer les surventes. Le reste de la nuit a été doux avec un vent de 10/12nds et une mer belle.

Dans les prochaines heures nous nous attendons à un renforcement du vent pour plusieurs jours qui devrait nous amener aux calmes de la zone de convergence avant de pouvoir toucher les alizés de SE.

Jeudi 14 avril – 13h TU

683 milles parcourus, 3’284 milles à parcourir. Nous continuons notre descente vers les Galápagos en compagnie de bateaux copains (Nawaks, Agapé, Mare1 et Nanuk) qui se trouvent non loin de nous et avec lesquels nous communiquons par SMS grâce à notre téléphone satellite iridium. Nous échangeons nos positions, nos routes, nos doutes, nos galères, nos sentiments, nos ressentis, nos informations météos et nous assurons que tout va bien à bord.

Dimanche 10 avril – jour 3

Le vent de NE reste soutenu et portant, il doit se renforcer dans l’après-midi d’après nos prévisions. Nous anticipons et réduisons la voile en prenant un deuxième ris dans la GV. Grand bien nous en a pris car à 14h un grain, sans pluie, s’abat sur nous avec des rafales à près de 40nds!! Nous subissons les assauts du vent pendant 1h30 avant de retrouver un vent plus modéré mais soutenu (18/22nds) pendant le reste de la journée et toute la nuit.

Lundi 11 avril – jour 4

Le vent commence sa rotation vers l’ENE puis E et enfin SE. Nous allons attaquer la zone de convergence entre les alizés du nord qui soufflent du NE et ceux du sud qui souffrent du SE. Nous nous attendions à une zone de calme, sans vent. Que nenni, le vent tourne et vient directement en face de nous mais surtout la mer est complètement désordonnée. Elle est dans tous les sens, un vrai bain bouillonnant. Nous avançons péniblement au moteur, ballotés dans tous les sens, avec un effet lave linge pas très agréable.

Mardi 12 avril- jour 5

La mer est toujours chaotique, le vent est toujours dans le nez et nous avançons toujours péniblement au moteur. En levant la tête pour observer les voiles, nous nous rendons comptes qu’un petit élastique qui tient la GV sur son rail est cassé. Nous décidons donc d’affaler la GV pour le changer. Grand bien nous en a pris car nous constatons qu’un des goussets de latte (la deuxième en haut) a cassé. C’est plus grave car nous n’en avons pas de rechange. Nous allons donc le permuter avec celui de la latte la plus basse, ce qui nous prend tout de même 1h30 dans cette mer inconfortable. Cela va nous empêcher de relâcher le 1er ris, mais ce ne sera pas trop pénalisant car nous devrions avoir des vents nous obligeant à le garder. Un bon repos s’impose après ces efforts qui ont perturbé nos quarts de repos.

Mercredi 13 avril – jour 6

Nous nous rapprochons des Galápagos, c’est sûr, car des fous des Galápagos avec leur bec bleu turquoise ont élu domicile à l’étrave de Niue pour se reposer et faire leurs besoins…

Le vent a poursuivi sa rotation vers le SSE et nous permet de couper les moteurs. Nous pouvons enfin faire de la voile, au près serré (face au vent à 30-35 degrés) mais la mer est plus maniable. Notre cap n’est pas encore trop vers l’ouest pour pouvoir passer les Galápagos par le Sud et nous nous interrogeons sur l’option de les contourner par le nord.

Heureusement, les derniers fichiers météos nous confirment que le vent va poursuivre sa rotation vers le SE, ce qui nous permettra de pointer plus au sud. Et c’est le cas vers 2h du matin où nous avons pu faire route directe sur notre way point 40Mn au SE des Galápagos. Nous avons encore 200 Mn à parcourir avant de pouvoir enfin mettre le clignotant à droite et prendre la route vers l’ouest, au portant, vers les Marquises.

Dimanche 17 avril – 13h TU

Position: 2.08 S 92.15 W

1’072 milles parcourus, 2’886 milles à parcourir.

La longue descente vers les Marquises a commencé!! Nous avons bien pris nos marques et les quarts (6h la nuit et 3h la journée) s’enchaînent très bien. Les températures ont bien chuté depuis le départ puisque nous avons perdu 6 degrés, il ne fait plus que 26!! Et une petite polaire est nécessaire pour les quarts de nuit. Le soleil a commencé à faire son apparition après la grisaille des premiers jours. La lune apparaît désormais et éclaire nos nuits étoilées. L’ambiance est excellente à bord et nous partageons de bons moments de convivialité autour des repas que nous préparons et dégustons ensemble.

Jeudi 14 avril – jour 7

Pas facile de passer au sud des Galápagos!!

Il faut faire du près serré avec les vagues et le courant qui nous poussent au NW alors que l’on veut aller au SW. Qui plus est avec un vent qui doit adonner progressivement du S vers le SE mais qui joue avec nos nerfs. Mais bon, pas grave, on s’accroche et on persiste dans notre choix stratégique de passer au sud sans passer au milieu des îles. Et ça fini par payer puisque le vent adonne progressivement dans la nuit et nous permet d’ouvrir un peu les voiles et de mieux glisser. Mais avant les Galápagos, il y a un premier objectif…

Mais avant de l’atteindre nous devons estimer les intentions d’un cargo qui nous fonce dessus à toute vitesse en pleine nuit sans lune, cachée par les nuages. Nous faisons clairement route de collision avec lui. A moins d’un mile nous décidons de ralentir afin de le laisser passer devant. A peine entamé notre manœuvre que le cargo vire presque de bord pour passer derrière nous!! Soit le marin de quart dormait, soit ses alarmes n’ont pas fonctionné ou alors il a voulu jouer avec nos nerfs!! Enfin bref, il est temps de nous concentrer maintenant sur un moment important de notre Transpacifique, le décompte peut commencer: 10, 9,…,3,2,1…

Ça y est!!! Niue et son équipage viennent de passer l’équateur à 2h01 TU. Une offrande est faite à Neptune, pour qu’il accepte notre passage, offrande partagée avec Eole, Niue et son équipage. Nous naviguons désormais dans le Pacifique Sud!!!

Vendredi 15 avril – jour 8

Le vent adonne toujours et nous ouvrons de plus en plus les voiles. Nous glissons vers notre way point au sud des îles que nous atteindrons dans la nuit. Mais les prévisions météos trahissent vite notre enthousiasme car une molle est attendue pour environ 24h!! Nous continuons à échanger avec les bateaux copains sur nos routes respectives et sur les prévisions.

Un nouveau bateau se joint à nous: Quickstep Too. Nous nous étions rencontrés aux Perlas avant que l’équipage ne parte pour les Galápagos, et là il reparte pour les Marquises en cet après-midi. J’aurais dû dire retrouver et non pas rencontrer car il s’agit de Nick et sa famille, Nick qui a fait la Mini Transat la même année que moi. Nous revoilà donc 17 ans plus tard en train de traverser un autre océan en même temps… la vie réserve parfois quelques belles surprises!!

Samedi 16 avril – jour 9

Les prévisions se confirment et nous devons à nouveau mettre les moteurs ; même notre nouveau gennaker ne suffit pas dans ces petits airs à nous faire avancer raisonnablement!! Les longues glissades ne sont pas encore pour tout de suite…

Les fous des Galápagos continuent à nous accompagner, soit en volant tout autour de Niue, soit en se reposant la nuit sur notre pont, et toujours en nous laissant des traces de leur passage!!

Du coup nous profitons de la pétole pour nettoyer le pont de Niue car ils y sont allés de bon cœur!! Nous remplissons également les cuves de gasoil avec nos bidons tout en espérant en avoir fini avec le ronron des moteurs.

Pascal en profite même pour faire une baignade par 3’218m de fonds pendant que je surveille l’horizon à l’affût d’un aileron!!

Le vent est passé dans cette journée de l’Est au Sud puis au Sud-ouest, très bizarre, tout en oscillant de 0 à 12 noeuds. Espérons que les alizés de sud-est finissent par s’établir afin de pouvoir enfin faire de belles glissades au portant.

Mardi 19 avril – 13h TU

Position: 3.10 S 96.39 W

1’346 milles parcourus, 2’616 milles à parcourir.

Les alizés de sud-est ? Où sont-ils ?

Dimanche 17 avril – jour 10

Dans le nuit le vent finit par s’établir au sud-est à 10-12 noeuds ce qui nous permet de bien avancer et d’en finir, on l’espère, avec les heures de moteur. Et bien en fait non, car à 4h du matin le vent est retombé!! Il ne reviendra qu’à 8h avec un grain, dont nous éviterons la pluie, qui nous apporte un vent de 20-22 noeuds. Niue file sur une mer assez calme entre 9 et 10 noeuds pendant 2 heures. Là encore nous nous sommes dit, après ce grain il y aura des alizés établis, mais non, encore du vent mou à 5 noeuds, et encore du moteur.

Nous profitons de ce calme pour faire notre lessive à la main et nettoyer la salle d’eau et les toilettes. Un peu de propreté ça fait aussi du bien après 10 jours. Nous nous douchons dehors tous les jours (enfin presque car parfois, quand on tarde un peu, il fail un peu frais avec seulement 26 degrés), et la aussi ça fait du bien!!

Côté culinaire, nous mangeons bien et variés avec nos produits frais. Enfin, ceux qui restent et n’ont pas pourrie. Car avec la chaleur et l’humidité, les légumes et les fruits se gâtent vite, trop vite. Du coup, on prépare à l’avance et on stock au frigo, mais la capacité de celui-ci ne permet pas de tout sauver. Nous avons aussi déguster notre premier pain fait en navigation, un délice (sans vouloir me vanter)!!

Une bonite est venue nous narguer ce matin en sautant tout en pourchassant son repas. Nous nous sommes dit qu’il était donc temps de mettre notre ligne de pêche à la traîne ; qui plus est que nous n’avons plus de viande. Mais aucune touche aujourd’hui. Nous allons réessayer les prochains jours car elle avait l’air bien bonne cette bonite: nous avons tellement parlé de la façon de la préparer que nous en avons eu l’eau à la bouche tout le reste de la journée!! A défaut de bonite pêchée du jour, nous nous sommes ouverts une boîte de thon!!

Dans l’après-midi, nous avons croisé un voilier canadien qui faisait route plus vers le sud. Il est passé juste derrière nous et nous avons bavardé un moment avec eux par VHF. C’est tout de même plus facile qu’avant de rentrer en contact avec les bateaux autour de nous car nous disposons d’un système, l’AIS, qui nous permet d’avoir des informations sur le bateau (type de bateau, nom, immatriculation MMSI, cap, vitesse, longueur, largeur,…) et de pouvoir ainsi le suivre sur notre carte directement sur la centrale de navigation. Avec le numéro MMSI nous pouvons même lancer un appel avec notre VHF comme on appellerait quelqu’un depuis un téléphone (avec la problématique de la portée puisque nous ne captons, dans le meilleur des cas, qu’à une vingtaine de miles).

Nous continuons notre route péniblement au moteur jusqu’à ce que je constate une légère fumée grise-noire sortir de l’échappement du moteur tribord. Premier réflexe : éteindre le moteur, mais en baissant le régime je m’aperçois aussi que le volume d’eau de mer, qui sort également de l’échappement, est un peu plus faible qu’habituellement. C’est valable quelque soit le régime jusqu’au point mort. Y-a-t-il un lien de cause à effet ? J’arrête le moteur et plonge dans la calle moteur. Je ne constate pas de chaleur excessive ni d’odeur particulière. Bien que le moteur soit chaud, je contrôle les niveaux d’huile et de liquide de refroidissement: tous les deux sont ok. Je vérifie aussi le filtre à eau de mer: il est propre, pas d’algues ou de déchets. Nous voilà partis dans des hypothèses de pannes possibles et de recherche de solutions. Pour nous aider dans notre réflexion, nous contactons Nawaks et Mare1, ainsi qu’Eliane à terre, pour leur exposer notre problème. A plusieurs, c’est toujours plus facile de trouver des solutions. Et c’est Loïc, à bord de Nawaks, qui émet la plus plausible des hypothèses: la turbine de la pompe à eau de mer doit être abîmée, ce qui diminue le volume poussé dans le circuit et donc celui rejeté. De plus, comme les gaz d’échappement sont dissous dans l’eau, ceux-ci peuvent apparaître s’il n’y a pas suffisamment d’eau (un peu comme parfois au démarrage à froid). Il ne reste plus qu’à vérifier tout ça, mais entre-temps la nuit est tombée, nous reportons donc l’opération de maintenance au lendemain matin. Petite explication simplifiée pour bien comprendre: l’eau de mer refroidit le liquide de refroidissement qui lui même refroidit le moteur. L’eau est entraînée par une pompe avec une petite turbine, puis passe dans l’échangeur dans lequel passe également (mais dans un autre circuit bien sûr) le liquide de refroidissement. L’eau de mer est ensuite évacuée avec les gaz d’échappement.

Lundi 18 avril – jour 11

Nous faisons toute la nuit au moteur bâbord jusqu’à 5h30 où un petit vent de 8-9 noeuds s’est levé. Pas très puissant mais suffisant pour avancer un peu à la voile à petite vitesse à 4-5 noeuds. C’est un peu rageant surtout que ça ne correspond à aucun des modèles météos que nous consultons et qui annoncent tous entre 10 et 14 noeuds de vent. Mais bon, nous ne pouvons qu’accepter ces conditions et faire avec. Puis, de nouveau panne de vent 2 heures après.

Le soleil se lève et après notre petit-déjeuner, je replonge dans la calle moteur. L’opération est vite menée et la coupable est trouvée: la turbine!! Elle a une palle de casser!! Heureusement elle n’a pas continuer sa route dans le circuit vers l’échangeur. Une fois remplacée par une neuve, nous testons le moteur qui crache parfaitement avec un bon débit d’eau de mer, et nous ne voyons aucune fumée (gaz d’échappement). Nous voilà avec un grand sourie et nous ne manquons pas de remercier nos amis et Eliane qui avait fait plein de recherches sur internet.

Notre sourire reste sur notre visage: enfin à 10h15, 10 noeuds de vent!!! Puis progressivement ça monte: 11, 12, 13, 14!!! Cool, on sort le gennaker et c’est partie au bon plein / travers à 6, 7 puis 8 noeuds, sur une mer belle. Ça fait du bien!!! Pourvu que ça dure!!!

C’est un bel après-midi ensoleillé, et ça aussi, ça fait du bien!!! Pour couronner le tout, Pascal aperçoit pendant son quart, des dizaines de dauphins et de globicéphales, au loin. Seuls certains viendront près de Niue. Pascal remonte vite la ligne de traîne, ne sait-on jamais.

Le vent, dans la soirée et la nuit, continue à bien nous pousser avec notre gennaker à poste. La glisse est bonne et plaisante car le mer n’est pas trop formée. Les prévisions semblent être de nouveau plus en phase avec la réalité du terrain. Jusqu’aux Galápagos le modèle européen semblait plus fiable, mais maintenant, il semble que le modèle américain ait pris le relais. Ce n’est pas bon pour nous car celui-ci prévoit une nouvelle bulle sans vent pour demain après-midi!! Espérons qu’il se trompe à nouveau?!?!

Mercredi 20 avril – 13h TU

Position: 3.38 S 98.51 W

1’483 milles parcourus, 2’480 milles à parcourir.

Mardi 19 avril – jour 12

Ah, enfin!!! nous avons fait une moyenne journalière plus acceptable de 144Mn en 24h, soit du 6 noeuds de moyenne pour 12-14 noeuds de vent de travers. C’est bien, mais peut mieux faire. Nous avons gardé le gennaker pendant toute cette durée et il est encore à poste. Il nous aide bien car sans lui, et dans des airs assez faibles comme en ce moment, nous nous serions vraiment traînés. Encore un énorme merci à Pierre-André, le papa d’Eliane, qui nous l’a offert.

Alors, qui avait raison entre le modèle météo américain et européen? Et bien, …c’est le modèle américain qui a été le plus juste. Pas de bol, de la molle!! Mais elle n’est pas trop faible (7-8 noeuds) ce qui nous permet de rester sous gennaker et d’avoir une vitesse de 4-5 noeuds. Donc pas de moteur, ouf!! Alors ces prévisions météos, comment les avons nous en plein milieu du Pacifique? Et bien grâce à une connexion satellite iridium. C’est tout simplement un modem qui nous permet de nous connecter à des serveurs qui délivrent des fichiers de prévisions météos (appelés fichiers Grib). Dans ces fichiers, nous pouvons avoir les vents et les rafales de vent (force et direction), la pression atmosphérique, les précipitations, les vagues (hauteur et périodicité), les courants, la couverture nuageuse et la température. Toutes ces informations contenues dans le fichier Grib sont interprétées par des applications. J’utilise PredictWind, sur mon smartphone, qui est très conviviale. En plus des prévisions, l’application permet de faire un routage, avec en condition préalable d’avoir renseigné les caractéristiques du voilier (vitesses selon différents angles de vent, vitesse minimum pour laquelle nous mettons le moteur, vitesse au moteur,…). Il existe plusieurs organismes qui délivrent des fichiers Grib (deux fois par jour) et nous pouvons ainsi choisir celui ou ceux qui nous paraissent le plus pertinent. J’en utilise deux: le modèle américain GFS et le modèle européen ECMWF. Bien évidemment, il faut savoir interpréter les données et les routages pour faire sa propre stratégie de navigation.

La météo nous occupe passablement chaque jour, tant dans l’attente pour charger les données (c’est très très très lent et ça dépend de la taille de la zone choisie et des informations demandées) que dans l’analyse de ces données pour choisir notre stratégie à court, moyen et long terme. Nous confrontons aussi nos résultats avec la réalité sur le terrain et avec les bateaux copains autour de nous.

En attendant la prochaine mise à disposition des fichiers, et bien ici, sur le terrain, ça glisse de nouveau bien sous gennaker!!

Jeudi 21 avril – 13h TU

Position: 3.47 S 101.15 S

1’628 milles parcourus, 2’337 milles à parcourir.

Mercredi 20 avril – jour 13

Après cette dernière molle qui n’a finalement duré que 6h, le vent est bien remonté vers 2h du matin à 12-14 noeuds. Nous avons fait tout le reste de la nuit sous gennaker, vent de travers, à 6-7 noeuds. Ça continue à glisser sur la route directe.

Nous avons eu un couché de soleil magnifique, le plus beau depuis le départ. Bon, c’est vrai que nous n’en avons pas eu beaucoup, vu que le temps était plutôt couvert jusqu’aux Galápagos, mais là c’était juste incroyable. Le ciel s’est embrasé comme si une boule de feu d’un jaune très vif venait de toucher l’horizon, tout en illuminant le ciel d’un dégradé d’orange, de rouge et de violet époustouflant. Même la mer a pris des couleurs rouge orangée. Je n’ai pas réussi à prendre une photo qui reflète cet incroyable couché de soleil, mais j’ai pu faire une vidéo, qui pourrait laisser croire que j’ai fait des retouches, mais pas du tout. Vous pourrez bientôt la voir, mais pour cela il va falloir un peu patienter le temps que l’on arrive!! Ce fût un vrai cadeau que nous a fait dame nature qui a révélé l’une de ses nombreuses beautés.

Tout aussi majestueux une fois la nuit tombée a été ce ciel si pur, sans aucune pollution lumineuse, dans lequel scintillaient milles étoiles. Nous avons passé un long moment avec Pascal à tenter de retrouver les étoiles, les planètes et les constellations. Avec la tête à l’envers, puisque le ciel n’est pas le même dans l’hémisphère sud, ce n’est pas tout simple. Nous nous sommes aidés avec une application que je vous conseille, Star Walk, qui est vraiment très bien faite pour se repérer dans le ciel. Nous l’utilisons régulièrement au mouillage, allongé sur le trampoline, pour faire découvrir aux enfants la beauté de ce ciel étoilé, où il est parfois difficile de se repérer.

La lune a ensuite fait son apparition, éclairant le ciel et la mer comme pour nous montrer le chemin à suivre. Elle était pleine il y a quelques jours, et elle décroît maintenant. Présente au début avant le coucher du soleil, elle se lève désormais plus tard, près de 2h après que le soleil n’ait tiré sa révérence. Lorsqu’elle est assez basse sur l’horizon, avant qu’elle ne poursuive sa route haut dans le ciel, elle semble plus grosse. Cela nous permet de mieux apercevoir ses nombreux cratères, et même à l’aide de simples jumelles, les observer de plus près est toujours aussi fascinant.

La nuit, lors de nos quarts, nous pouvons contempler le ciel, la lune, les nuages et la mer pendant des heures. Tout évolue au fil des heures qui passent, jusqu’au petit matin où l’aube fait son apparition, éclairant très progressivement le ciel, comme si elle ne voulait pas nous réveiller trop brusquement. Puis le soleil, majestueux à nouveau, vient illuminé le ciel et la mer avec des couleurs toutes aussi flamboyantes que lorsqu’il se couche. Avec Pascal, nous prenons notre petit déjeuner, face à ce spectacle, identique mais si différent chaque jour. Il suffit d’un seul nuage pour changer ce spectacle quotidien.

Notre contemplation de la mer et du ciel se poursuit dans la journée, au fur et à mesure que le vent se renforce ou ne faiblisse, que la mer forcisse ou s’apaise.

Nous prenons beaucoup de plaisir à observer et à contempler la nature, chaque heure du jour ou de la nuit, si belle, si différente, si puissante, mais aussi si fragile.

Vendredi 22 avril – 13h TU

Position: 3.51 S 103.43W

1’777 milles parcourus, 2’190 milles à parcourir.

Jeudi 21 avril – jour 14

Tout au long de la nuit et de la journée , le vent alterne des phases de renforcement (17-18 noeuds) et de relâchement (14-16 noeuds). Mais il est suffisamment fort pour garder des vitesses comprises entre 6 et 7 noeuds, et parfois même 8 noeuds. Ce n’est pas un alizé encore très puissant, bien qu’il pourrait l’être, comme il nous le montre parfois avec des rafales à 19-20 noeuds. Mais si l’on en croit les fameux fichiers météos, il ne devrait pas dépasser les 20 noeuds tout au long de notre descente vers les Marquises. Cela dit, avec la mer qui s’est un peu formée et qui a commencé une rotation de la houle du sud-est vers l’est, ce n’est plus aussi confortable. Niue a parfois quelques difficultés à garder son cap. Il est donc temps de réduire un peu. Nous décidons d’opter pour réduire la voile d’avant, et donc de rouler le gennaker puis de dérouler le génois. Mais ça ne nous convainc pas, la grand voile reste trop puissante à cette allure de largue (110-120 degrés du vent). Nous prenons donc un second ris dans la grand-voile et ressortons le gennaker. C’est beaucoup mieux: plus stable et plus confortable, pour une vitesse quasiment identique.

Après avoir fait plusieurs simulations de routage, nous avons décidé de suivre une route un peu moins sud, et donc de quitter la route directe, afin de pouvoir bénéficier de courants plus forts. Nous avons donc abattu de quelques degrés. Cette route va nous rallonger d’une cinquantaine de miles, mais elle devrait nous faire gagner un demi noeud de vitesse moyenne. Au final, cela représente un jour et demi de gagner. De ce fait, notre ETA (estimated time arrival) serait le 6 mai, alors qu’en suivant la route directe nous arriverions le 8 mai. Tout cela est bien entendu théorique, mais étant donné qu’Eliane et les enfants arrivent à Nuku Hiva le 6 mai au matin, nous devons faire en sorte d’être là. Si jamais, ils pourraient toujours dormir sur la plage en nous attendant, je suis sûr que ça plairait aux enfants!!

La vie à bord se passe très bien avec mon cousin Pascal. Nous nous entendons très bien et passons de bons moments ensemble… lorsque nous nous voyons. Et oui, car finalement, avec l’alternance des quarts, nous ne passons finalement que quelques heures ensemble, tout au plus 4-5 heures par 24h.

Depuis le départ, nous avons organisé nos quarts par tranche de 3 heures la journée et de 6 heures la nuit. Nous avons ainsi une bonne récupération la nuit, complétée par deux siestes dans la journée. Au final, nous arrivons à cumuler environ 6-7 heures de sommeil en 24h. Cela n’empêche pas quelques coups de barre lors de nos quarts et c’est pourquoi nous mettons une alarme toutes les 20 minutes afin de ne pas louper notre tour de veille.

Le premier risque est qu’un bateau ne se trouve sur notre route sans qu’il nous voit ou qu’on le voit, et que l’on fasse route de collision avec lui. Il s’agit plutôt de bateaux de pêche, aux routes et aux vitesses souvent changeantes, qui naviguent le plus souvent sans AIS, et dont l’équipage est occupé à manœuvrer les filets. Nous en avons croisé plusieurs depuis le départ, le plus proche n’étant qu’à 3 milles de nous. Le second risque est un changement dans la direction ou la force du vent, qui ne serait pas anticipé et qui pourrait entraîner rapidement de gros soucis (départ au lofe, départ à l’abatté,…) avec à la clé de la casse matériel, voir des blessures pour nous.

Nous nous devons donc d’être opérationnels lors de nos quarts afin d’assurer cette veille active, a minima toutes les 20 minutes, et ce grâce à un repos réparateur, adapté et suffisant.

La prise de quart est faite par une synthèse des événements survenues pendant le quart (état du vent et de la mer, cap à suivre, visibilité,…) et par des consignes sur la sécurité.

Pendant les quarts, nous sommes seul et si un accident survient, l’autre ne s’en apercevra peut-être que plusieurs heures plus tard, donc trop tard pour intervenir. C’est pourquoi nous appliquons quelques règles simples de sécurité. L’une des plus importantes est que nous portons systématiquement notre brassière (gilet de sauvetage auto-gonflant équipé de led), de jour comme de nuit, pendant nos quarts. Lorsque nous sortons du carré dans le cockpit, nous attachons la longe (sangle munie d’un mousqueton) de notre brassière à la ligne de vie, qui permet de se déplacer d’un poste de barre à l’autre par exemple, tout en restant toujours attaché. Ainsi, nous sommes toujours attachés au bateau quoiqu’il arrive. De plus, nous ne réalisons aucune manœuvre en solo, et réveillons l’autre en cas de besoin. Il est aussi interdit de quitter le cockpit pour aller à l’avant du bateau en solo. De plus, nous portons sur nous une balise de détresse personnelle (différente de celle présente à l’intérieur du bateau) qui est attachée à notre brassière.

Ultime consigne, si la personne de quart a besoin d’aller au toilette, il est interdit de faire pipi par dessus bord (même hors quarts), le risque étant trop important d’être déséquilibré et de tomber à l’eau. De plus, nous allumons la lumière rouge de notre lampe frontale dans la descente pour aller aux toilettes afin de signaler à l’autre que nous sommes à bord. Le risque étant qu’avec le bruit la personne aux toilettes n’entende pas les appels de l’autre qui s’inquiète, voir panique, de ne pas le voir ni dans le carré ni dans le cockpit, et qu’il se mette ainsi lui-même en danger en sortant à l’extérieur pour le chercher, sans avoir sa brassière et sans être attaché.

Cette gestion de la sécurité nous permet d’avoir un repos serein et réparateur lorsque l’autre fait son quart, et pendant qu’il profite de la beauté de la nature qui l’entoure.

Samedi 23 avril – 13h TU

Position: 3.51 S 106.24 W

1’940 milles parcourus, 2’053 milles à parcourir.

Vendredi 22 avril – jour 15

Nous avançons bien, mais la mer reste un peu mélangée et n’est donc pas très confortable. Notre choix de voiles, grand-voile avec deux ris et gennaker, continu d’être efficace avec ce vent qui oscille de 30 degrés régulièrement et peut passer de 15 à 20 noeuds en quelques secondes.

Les nuages, qui circulent en larges bandes sombres, apportent également des changements dans la direction et la force du vent. Il faut les surveiller pour ne pas se faire surprendre selon qu’ils nous passent dessus, que l’on est devant ou qu’il nous passent derrière, car le vent ne sera pas le même en fonction de la position que l’on a par rapport à eux.

Il peut également s’agir de nuages de grains, avec ou sans pluie. Ceux-là sont beaucoup plus puissants (comme ceux que nous avons eu les 2ème et 3ème jours). Ils sont plus sombres, plus imposants, et s’ils sont accompagnés de pluie, elle se repère avec ses longues traînées. De nuit, il n’est pas aisé de pouvoir les repérer et d’anticiper leur déplacement. Heureusement, ces grains sont détectés par notre radar, tout comme il peut détecter des bateaux sans AIS.

Tous ces nuages, si différents les uns des autres, apportent au ciel des nuances de blanc, de gris et de noirs assez impressionnants. Leurs formes et leurs tailles sont si variées qu’on ne peut les compter. Tous ont une signification en météorologie. Ils circulent à des altitudes différentes et peuvent aller de ce fait dans des directions différentes, et ainsi se croiser. Avec le soleil et la lune qui les arrosent de leur lumière, ces nuages prennent de multiples couleurs. Chaque minute qui passe change le ciel comme pourrait le faire un peintre. C’est fascinant à observer.

Le tableau ne serait pas terminé sans qu’il ne soit accompagné de la mer au relief si changeant avec sa houle et ses vagues façonnées par le vent. Cette mer qui se reflète dans le ciel et lui apporte sa couleur si bleu. Du bleu, il y en a pour tous, tant la palette de bleu semble infini, du plus clair au plus sombre, mais également du rose, du jaune, du rouge et du violet lorsque le soleil veut bien repeindre la mer. Elle est aussi argentée lorsque la lune brille, et phosphorescente lorsque le plancton se fait chahuter par les dauphins ou par Niue.

Dimanche 24 avril – 13h TU

Position: 4.02 S 108.52 W

2’090 milles parcourus, 1’904 milles à parcourir.

Samedi 23 avril – jour 16

Le vent était annoncé mollissant dans la nuit et c’est bien ce qui s’est produit. Mais nous conservons une bonne vitesse car la mer s’est assagie et nous bénéficions d’un bon courant portant. Mais une nouvelle molle dans la journée nous oblige à mettre les moteurs pendant 5h. Le vent finira par tomber complètement et ne reprendra qu’avec l’arrivée de nuages et de grains en fin d’après-midi. Le début de nuit est assez ventée avec des rafales à 22 noeuds et nous optons pour le génois à la place du gennaker.

Ça y est, nous sommes à mi-parcours!!! Nous avons franchi la barre des 2’000 milles restants à parcourir sur les 4’000 du départ. 15 jours pour cette première moitié, la seconde partie devrait être plus rapide compte tenu des conditions météos plus propices à la glissade au portant, que la première partie qui s’est faite au près serré. Petit comparatif rapide, si on met cette distance en rapport avec une transatlantique telle qu’on l’a faite au départ du Cap Vert, c’est à quelques miles près la distance qu’il nous reste à faire!! Donc une transpacifique c’est quasiment deux transatlantiques!!

À quelle heure vit-on à bord? Ou plutôt: à quelles heures? Car nous en avons 3 différentes!! L’heure de Panama (TU-5) d’où nous sommes partis et à laquelle nous vivons à bord. L’heure en Europe (TU+2) puisque nous sommes en contact avec nos proches. L’heure en temps universel (TU) avec laquelle nous communiquons nos positions entre bateaux copains.

Mais quelle est l’heure à laquelle nous devrions être? Parce qu’en avançant vers l’ouest, nous coupons des fuseaux horaires. D’ailleurs en passant près des Galápagos nous aurions dû changer d’heure!! Qui plus est qu’à destination, à Nuku Hiva aux Marquises, nous serons en TU-9.5, soit 4h1/2 de moins qu’à Panama.

Nous pouvons le constater réellement car le soleil se levait à 6h au Panama et maintenant, il se lève à 8h. Fait-il une petite grâce matinée? Non bien sûr, nous allons vers l’Ouest et devons donc décaler nos montres!! Mais de combien? Nous pouvons diviser 4h1/2 par le nombre de miles à parcourir et nous obtenons environ 1h tous les 1’000 milles, ça c’est ma méthode. Ou alors, nous pouvons faire un calcul plus savant, à la méthode Pascal: 360 degrés de longitude divisées par 24h, donne 15 degrés. Donc à chaque fois que nous avançons de 15 degrés de longitude vers l’ouest, nous retirons 1 heure à nos montres. Soit depuis que nous sommes partis, nous sommes passés de la longitude 79 ouest à 108, soit 29, que divise 15 donne un peu moins de 2h.

Bon tout ça est bien compliqué pour pas grand chose. A bord de Niue nous allons faire simple: nous voulons, Pascal et moi, profiter des couchés et des levés de soleil tout en prenant notre petit déjeuner et notre souper!!! Et comme il commence à y avoir un petit décalage, Pascal se lève juste à l’aube et moi je me couche juste quand le soleil se couche, donc nous décalerons d’une heure aujourd’hui. Et si ça ne suffit pas, et bien nous renouvellerons l’opération pour continuer à profiter ensemble de la beauté que nous offre la nature!!!

Lundi 25 avril – 13h TU

Position: 3.58 S 111.16 W

2’234 milles parcourus, 1’762 milles à parcourir.

Dimanche 24 avril – jour 17

Le vent est resté soutenu jusqu’en debut d’après-midi, puis il a un peu baissé. Nous avons donc renvoyé le gennaker et avons continué à glisser sur une mer un peu moins formée, tout le reste de la journée et la nuit.

En début de nuit, nous avons franchi la barre des 10’000 milles nautiques au compteur de Niue, parcourus en 1 an 1/2!! Soit l’équivalent d’environ 75 jours de navigation!! Bon, ça laisse quand même environ 470 jours à profiter des mouillages, des randonnées, des visites, des rencontres, des découvertes,…, et des apéros sur la plage!!

Et alors, la vie à bord, ça se passe comment? Et bien plutôt bien, même très bien!! Il faut dire qu’à deux à bord du Niue, on ne manque pas d’espace. Chacun sa coque pour plus d’intimité, Pascal à bâbord et moi à tribord, avec sa cabine double et sa salle d’eau avec toilettes. Un grand espace de vie dans le carré grâce à la tablée repliée, une cuisine où l’on ne se marche pas dessus et un cockpit spacieux. A deux, tout paraît tout de suite plus grand. Surtout que nous sommes la plus part du temps seuls!!

Nous prenons notre douche à l’extérieur lorsque le soleil est encore haut, car il peut vite faire un peu frais avec le vent qui souffle. Une douche tous les deux jours, c’est bien suffisant, vu que l’on ne fait pas beaucoup d’efforts et que le chaleur est largement supportable.

Il est vrai que nous ne faisons pas beaucoup d’activités physiques. Seules les manœuvres nous amènent à nous dépenser un peu lorsque nous prenons ou relâchons un ris dans la grand-voile, que nous roulons ou déroulons le génois ou le gennaker, avec les winchs à mouliner. Mais tout cela est bien maigre, même si avec la fatigue accumulée liée au manque de sommeil, c’est à chaque fois un peu épuisant, mais jamais trop physique. De plus, nous ne marchons pas mais piétinons. Notre corps est toujours en recherche d’équilibre liée aux mouvants incessants du bateau bousculé par les mouvements de la mer. Cette recherche d’équilibre fatigue le corps et l’esprit.

Pour rester en forme et maintenir une activité physique régulière, je fais un peu de sport tous les deux jours (le jour de la douche!!): pompes, gainage et squats. Pascal, quant à lui, ne trouve pas le temps d’en faire, car il a besoin de plus de repos, son corps étant moins habitué à ce rythme et à ces mouvements incessants qui peuvent fatigués, voir épuisés.

Le bruit est également source de grande fatigue car il est également incessant. Il y a celui des vagues qui viennent frapper la coque de Niue ou encore la nacelle, et qui font se soulever avec fracas la table dans le carré. Il y a celui de la ligne de vie sous le bateau, qui est à fleur d’eau, et qui vibre parfois lors d’accélérations brutales. Il y a également le bruit des voiles et de la bôme qui claquent lorsque le vent mollit. Mais surtout, il y a le bruit de l’eau qui s’écoule à l’arrière dans le sillage de Niue et qui ne s’arrête jamais. Il pourrait sembler agréable car il ressemble à s’y méprendre au doux bruit des vagues sur une plage, mais à la longue, ça épuise l’esprit. Il n’y a jamais de calme à bord d’un voilier qui navigue.

Le manque de sommeil et d’activité physique, les mouvements du bateau et les bruits incessants, font que l’on arrive souvent bien fatigué après une navigation. Une grande traversée, comme l’est la Transpacifique, ce n’est pas un long fleuve tranquille comme on pourrait le supposer, mais quelle belle expérience à vivre et à partager.

Mardi 26 avril – 13h TU

Position: 3.50 S 113.36 W

2’376 milles parcourus, 1’625 milles à parcourir.

Lundi 25 avril – jour 18

Le vent aime bien jouer avec nos nerfs!! Il va et vient comme bon lui semble, sans respecter les sacro-saintes prévisions météos!! Il a de nouveau faibli à 8-10 noeuds faisant chuter notre vitesse moyenne. Il n’a repris de la vigueur qu’en fin d’après-midi avec 14-16 noeuds. Nous avons pu retrouver nos vitesses de 6-7 noeuds avec de beaux surfs à 8, 9 voir 10 noeuds. Tous ces changements de vent ont eu raison d’un second boîtier de latte qui a cassé. Rebelote, nous voilà de nouveau en train de permuter ce boîtier avec un autre. Si ça continue, nous allons finir avec 3 ris dans la grand-voile, voir sans grand-voile du tout!!

Le levé de lune, vers 3h, était splendide cette nuit, car il n’y avait aucun nuage, et le dernier croissant était comme allongé sur l’horizon, me souriant dans sa robe orangée. Le soleil, quant à lui, a été radieux toute la matinée, faisant du bien à la charge de nos batteries, puis des nuages se sont amoncelés dans le ciel. Mais le vent a de nouveau forci et les en a chasser en fin de journée, afin de nous laisser observer le ciel de cette nouvelle nuit étoilée.

Peut-on encore parler de solitude lorsque l’on traverse le Pacifique à la voile ? Et bien plus vraiment!! Avec le téléphone satellite Iridium, nous restons en contact permanent avec l’extérieur, que ce soit avec les bateaux copains autour de nous ou avec la famille à terre. C’était déjà le cas il y a 10 ans lors de notre tour de l’Atlantique, mais je trouve que cette fois-ci l’utilisation est plus intensive.

Du coup, point se solitude!! Pourtant l’on pourrait croire que c’est un peu ce que l’on est venu chercher. Mais la technologie a fait évoluer l’utilisation du téléphone satellite Iridium. Avant, il était utilisé via un ordinateur pour l’envoi d’e-mail et la fonction sms n’était pas très pratique ni conviviale. Aujourd’hui, il s’agit d’un boîtier (Iridium GO!, c’est son nom), qui fait office de modem, et qui crée un réseau wifi disponible pour des applications sur smartphone et tablette. Plus conviviales, ces applications font que nous sommes toujours connectés: s’en est fini de la solitude!!

La technologie a évolué certes, sur les aspects de convivialité grâce aux applications mobiles, mais pour ce qui est de la performance, alors là, aucune évolution!! Ça reste un modem comme ceux du début d’internet, c’est à dire 56k!! Les plus anciens se souviennent certainement du temps qu’il fallait pour charger une page internet!! Et bien là, c’est pareil: il faut 10 bonnes minutes pour charger un fichier météo de 40Ko!!! Je parle bien de kilo-octets, à une époque où nous n’utilisons plus que le terme Giga!!! Et ça, c’est sans compter les multiples coupures pour trouver un réseau satellite correct, qui fait qu’au final, il faut entre 20 et 40 minutes en moyenne pour télécharger ce tout petit fichier… petit mais si précieux!!

Mais avoir l’Iridium à bord est avant tout une question de sécurité. Cela nous permet d’envoyer automatiquement notre position à terre selon un périodicité choisie. Nous concernant, notre position est envoyée toutes les 3 heures sur le mail d’Eliane. Il nous permet également de prendre régulièrement des informations sur les prévisions météos. Nous bénéficions par ailleurs dans notre forfait de 150 minutes de communication téléphonique par mois, indispensable en cas de soucis majeur. Bien sûr, tout cela n’est pas gratuit et notre forfait, data et sms illimités, et 150 minutes de communication, coûte la coquette somme de 140$ par mois, gloups!!

Mais bon, sans l’Iridium, je ne pourrais pas partager en temps réel tout notre vécu à bord de Niue pendant de cette Transpacifique, et vous n’auriez pas le plaisir de lire notre journal de bord quotidien… et ça, ça n’a pas de prix!!!

Mercredi 27 avril – 13h TU

Position: 3.51 S 115.52 W

2’513 milles parcourus, 1’527 milles à parcourir.

Mardi 26 avril – jour 19

Le vent s’est bien maintenu toute la nuit jusqu’au petit matin, et notre vitesse moyenne s’en est ressentie. Mais dans la journée il est de nouveau tombé!! Il n’a repris que dans la soirée.

Et alors, la vie à bord, ça se passe comment? Toujours plutôt bien, même très bien!! Les miles défilent et nous nous rapprochons chaque jour un peu plus des Marquises. Le moral est au beau fixe. Aucun ennuie à bord de Niue, nous n’en avons pas le temps!! Mais alors, comment occupons-nous nos journées?

Et bien, elles sont bien rythmées!! Rythmées par les quarts toutes les 3 heures, la veille toutes les 20 minutes, les siestes, la prise de la météo, mais également par les communications régulières avec les bateaux copains et nos chères et tendres à terre, le sport, les manœuvres, l’écriture, la lecture, l’écoute de musique et de potcast, l’observation de la nature, la production d’eau,… et j’en oublie sûrement!! Mais le plus important dans la journée et qui la rythme plus que tout, ce sont les repas et leur préparation.

Parce que les repas, c’est à la fois un moment convivial, un partage, des discussions, mais également ce qui nous donnent de l’énergie pour rester éveillé lors de nos quarts de nuit et pour manœuvrer en toute lucidité, et donc en toute sécurité.

Et alors, qui prépare les repas et que mange t’on à bord de Niue? Ce n’est certes pas un palace cinq étoiles, mais nous mangeons très bien, varié et à notre faim. Nous cuisinons le plus souvent à deux, mais il arrive aussi que l’un ou l’autre ne prépare seul. En revanche, nous choisissons systématiquement ensemble ce que nous allons préparer. La priorité est donnée aux produits frais qui pourraient venir à se gâter.

Il est vrai qu’avec la chaleur et l’humidité du départ, quelques fruits et légumes ont mal supporté le début du voyage. Mais depuis un bon moment déjà, tous se portent plutôt bien. Il faut dire que nous les avions mis au début dans les coursives, car c’est l’endroit le plus frais du bateau et à l’abri de la lumière. Mais nous avons rapidement changer d’option pour les mettre à l’extérieur, sous la table du cockpit, abrités du soleil par un linge blanc, où ils sont bien ventilés.

Les bananes ont toutes mûries en même temps dans les premiers jours. Nous les avons mis au frais et fait en smoothies tous les matins jusqu’à épuisement. Les ananas, les maracujas et les aubergines ont rapidement été gâtés, mais nous avons pu en sauver une très grande partie. Ils nous restent d’ailleurs de l’ananas coupé dans le freezer. Quant aux autres fruits et légumes, nous avons encore de tout: tomates, carottes, concombres, avocats, courgettes, choux, courges, poivrons, pommes de terre, oignons, ails, citrons verts, oranges, pommes, noix de coco et pastèque.

Les protéines nous les trouvons dans les viandes de poulet et de bœuf haché qui ont tenues les dix premiers jours, et depuis dans les œufs, les saucisses, saucissons, mortadelle ou encore poissons en boîtes (en attendant de pêcher enfin quelque chose!!).

Nous constituons donc nos repas aux grès de nos envies et des mûrissements, avec chaque jour: légumes, fruits, féculents, laitage et protéines. Nous avons préparé et dégusté par exemple: des spaghettis bolognaises, des émincés de poulets aux courgettes avec du riz, de la salade de quinoa, du taboulé, du guacamole, des saucisses lentilles, des omelettes aux pommes de terre, des œufs au plat, des hot-dogs (avec du pain maison tout juste sorti du four), des salades de tomates, de carottes, de lentilles, du caviar d’aubergines, des woks de légumes sauce soja, des pizzas (bien évidemment avec la pâte faite maison),… et j’en oublie beaucoup. C’est certain, nous ne manquerons de rien, ne mourrons pas de faim, et n’aurons pas le scorbut!!

Jeudi 28 avril – 13h TU

Position: 4.00 S 118.12 W

2’655 milles parcourus, 1’388 milles à parcourir.

Mercredi 27 avril – jour 20

Nous avons (enfin) atteint les courants tant recherchés. De 1 noeud au début, il vont progressivement augmenter sur 3 jours jusqu’à 1.9 noeuds, pour redescendre ensuite progressivement. Nous allons pouvoir (enfin) accélérer. Mais bon pas tout de suite: le vent nous fait à nouveau défaut par moment, sauf quand il souffle sous un grain en fortes rafales!! Et c’est ce que nous avons eu dans l’après-midi, il a soufflé, accompagné d’une forte pluie, entre 22 et 26 noeuds avec un belle rafale finale à 30 noeuds. Dans la soirée et la nuit, il a été bien soutenu avec 16-20 noeuds en moyenne.

Au petit matin et pendant plusieurs heures, nous avons passé notre temps à concevoir une pièce de rechange pour le pilote automatique, afin de remplacer une pièce qui avait cassée. Il s’agit d’un axe qui relie le vérin du pilote au système de barre, autrement dit, une pièce plus qu’importante, car sans elle, point de pilote!! Elle a prouvé son efficacité lors du grain. Mais après 6h d’utilisation, elle a cassé. Nous en avons conçu une nouvelle et avons optimisé le montage. Elle a tenu jusqu’à présent, mais nous barrons aussi régulièrement pour éviter de trop la solliciter.

Quels instruments de navigation utilise t’on à bord de Niue? Et bien nous utilisons une palette d’outils, tous reliés entre eux sur une centrale de navigation Raymarine (Axiome 12). Nous pouvons ainsi avoir au même endroit toutes les informations nécessaires à la bonne marche du bateau. Cette centrale est positionnée sur le côté de la table à carte et visible tant de l’intérieur que de l’extérieur (mais pas depuis le poste de barre tribord). Grâce à une application mobile, nous pouvons déporter et répéter l’écran de la centrale sur smartphone et tablette, ce qui permet de disposer de toutes les informations n’importe où à bord (poste de barre, couchette,…). L’écran de la centrale est assez grand, 12 pouces, et tactile comme une tablette.

Toutes les informations en provenance des outils installés à bord de Niue sont reliés à la centrale: speedomètre (vitesse sur l’eau), loch (distance parcouru sur l’eau et profondeur), GPS (position, cap, distance parcouru et vitesse), AIS (multiples informations sur les bateaux tout autour de nous), pilote automatique (répétiteur de toutes les fonctions du pilote), radar, girouette anémomètre (force et direction du vent) et bien évidemment elle est équipée de cartes marines.

Nous pouvons donc, à un seul endroit, définir, suivre et piloter notre route depuis l’intérieur de Niue. C’est d’ailleurs là que je passe mes quarts de nuit, confortablement installé dans mes poufs, avec l’écran de la centrale juste en face de moi. Je ne sors dans le cockpit que pour faire mon tour de veille toutes les 20 minutes. Pascal préfère quant à lui veiller à l’extérieur, assis au poste de barre au vent, avec l’écran de la centrale répétée sur son smartphone (les instruments du pilote automatique et de la girouette anémomètre étant par ailleurs installés aux postes de barre).

Vous l’aurez compris, la navigation d’aujourd’hui est loin d’être celle d’hier. Point de sextant à bord et d’heures passées à barrer, arrosés par les embruns et brûlés par le soleil, nous sommes confortablement installés et laissons le pilote automatique barré à notre place. Nous ne faisons que corriger quelques erreurs de route, car il ne sais pas encore anticiper les mouvements du bateau lorsque les vagues le chahute.

Vendredi 29 avril – 13h TU

Position: 4.04 S 120.27 W

2’792 milles parcourus, 1’222 milles à parcourir.

Jeudi 28 avril – jour 21

Mon précédent message du bord était un peu contradictoire, car les événements de la journée ont fait que barrer est devenue une nouvelle priorité de l’équipage à bord de Niue. Notre pilote, bien que bénéficiant d’une réparation de fortune, reste fragile. C’est pourquoi nous avons décidé de faire moitié-moitié (comme la fondue Suisse) entre barrer et mettre le pilote automatique. Nous voilà donc à la barre, comme à l’ancienne, arrosés par les embruns et brûlés par le soleil!!!

La maintenance, la surveillance et les réparations à bord d’un voilier font partie intégrante du voyage. L’environnement marin est l’un des pires pour le matériel, qu’il soit mécanique, électrique ou électronique. Le vent, la mer et l’eau salée sollicitent de manière décuplée toutes les installations du bord. Alors, il faut veiller sur tout, et en plus de contrôler périodiquement, il faut faire de la maintenance préventive. Pourquoi? Et bien parce que si la casse arrive en mer, et bien cela peut vite devenir une grosse galère et être potentiellement dangereux pour l’équipage. Avec Eliane, nous veillons régulièrement sur Niue et ses équipements. Mais malgré cela, nous avons pu expérimenté ces derniers jours que la casse survient tout de même.

Les boîtiers de lattes qui ont cassé avait été révisés, de même que la grand-voile, par un maître voilier avant notre départ. Depuis, aucun signe de faiblesse ni de fissures laissaient à penser que deux casseraient. Peut-être que le grain d’il y a quelques jours, avec près de 40 noeuds, y est pour quelque chose.

La turbine de la pompe à eau du moteur avait été changée selon la périodicité constructeur. Peut-être que les bernacles, qui foisonnent dans les eaux panaméennes, et donc sur la coque de Niue, y sont pour quelque chose. En effet, lors des carénages, nous les retirons, et il y a en avait dans les prises d’eau situées au niveau des sail-drive. Ces petits bouts de coquillages ont certainement eu raison de la palle de la turbine.

L’axe du pilote qui a cassé, quant à lui, avec sa structure si costaude, ne laissait présager qu’il pourrait casser un jour. Peut-être que les conditions de mer et les assauts du vent, répétés depuis plusieurs semaines, ont tellement fait forcer le pilote sur cet axe, qu’ils ont eu raison de sa résistance.

L’heure est maintenant à la recherche de pièces de rechange. Si pour la turbine, ce n’est pas un problème car nous en avons à bord, il en est tout autre chose pour les boîtiers de latte et l’axe du pilote. Eliane se démène depuis des jours pour trouver ces fameux boîtiers de latte, uniquement avec des descriptifs de leur caractéristique que je lui ai fait par message. Et c’est difficile, en plus d’être chronophage. Pourquoi? Et bien car le modèle a changé et il faut que le nouveau puisse s’adapter sans avoir à changer également le chariot qui est sur le rail. Quant à l’axe du pilote, c’est plutôt le délai qui est très court pour se le procurer, que la difficulté à le trouver. Bref, à distance, ce n’est vraiment pas facile. Et j’adresse un tout grand merci à Eliane pour tout le temps et l’énergie qu’elle a passé à nous aider à l’autre bout du monde.

Il faut cependant relativiser et prendre du recul sur nos « petites » casses, car dans l’histoire nous sommes chanceux par rapport à d’autres: nous sommes en contact avec un voilier qui a démâté et un autre qui a cassé sa bôme!! Le Pacifique n’est pas si pacifique que son nom pourrait le laisser croire!!

Samedi 30 avril – 13h TU

Position: 4.21 S 122.23 W

2’910 milles parcourus, 1’092 milles à parcourir.

Vendredi 29 avril – jour 22

Le vent a effectué progressivement sa rotation vers l’Est et nous nous retrouvons à des allures proches du vent arrière. Avec une mer un peu désordonnée et un vent qui oscille, ce n’est pas évident ni pour le pilote ni pour les hommes de garder le cap. Le risque est de faire un empannage involontaire qui pourrait être synonyme de casse et/ou de blessure. Bien que la fatigue se fasse sentir à force de passer des heures à barrer, nous restons vigilant et veillons aux grains, au sens propre comme au figuré!!

Ça c’était la nuit, puis avec le jour qui s’est levé, nous avons de nouveau été pris au piège dans des vents très mollassons. Du coup, un peu plus de repos pour l’équipage et plus de pilote. Nous en avons aussi profité pour faire une réparation de fortune sur l’un des boîtiers de lattes, nous permettant ainsi de relâcher le 2ème ris. Cela va nous aider dans les petits airs. Le couché du soleil n’a pas apporté de vent plus fort et nous continuons à nous traîner!!

Comment gérons-nous le sommeil à bord de Niue? Et bien cela dépend!! De qui et de quoi: de chacun avec son propre rythme et du contexte.

Pascal est plutôt du soir, a un endormissement rapide et a besoin d’un peu de temps pour être opérationnel après le réveil. Quant à moi, je suis plutôt du matin, ai un endormissement rapide et suis rapidement opérationnel au réveil.

Si l’on prend la première partie de la traversée, nous avions établi des quarts de 3h la journée et de 6h la nuit. Soit 3 endormissements et 3 réveils, puisque nous faisions 2 siestes et 1 nuit. Ce rythme nous convenait à tous les deux. Il avant l’avantage de nous faire bénéficier d’une longue nuit réparatrice, et de deux petites siestes d’une heure environ, voir plus si besoin. Au global, nous dormions donc environ 7 à 8 heures par 24h, ce qui nous suffisaient largement.

En revanche, pour la seconde partie et à partir du moment où nous avons eu le problème avec le pilote automatique, nous avons commencé à nous mettre dans le rouge. Barrer demande une attention permanente et le faire pendant 6h d’affilées nous a semblé être trop long à gérer. Nous sommes donc passés à des quarts de 3h jour et nuit, soit 4 endormissements et 4 réveils. La fatigue liée au fait de barrer s’est rapidement accumulée. Couplée avec le manque de récupération lié aux phases de sommeil successives (endormissement plus difficile et diminution du nombre d’heures globales de sommeil), nous sommes rapidement entrés dans une phase de fatigue excessive.

Une fois la seconde réparation effectuée avec un montage amélioré, nous avons diminué les heures à la barre et repris notre rythme précédent de quart. Nous sommes vite revenus à un repos beaucoup plus réparateur. Pourvu que ça dure!!

Dimanche 1er mai – 13h TU

Position: 4.47 S 124.36 W

3’046 milles parcourus, 958 milles à parcourir.

Samedi 30 avril – jour 23

Le vent est resté très mollasson jusqu’à 11h du matin où il a refait une apparition marqué sous un grain avec 18-20 noeuds. Puis, il s’est calé à une vitesse constante de 13-15 noeuds dans notre travers. Avec la mer qui s’était bien calmée, nous en avons profité pour mettre le gennaker et glisser à 6-7 noeuds. Le pilote a très bien géré tout au long de la journée. Avant le couché du soleil, nous avons pris un second ris dans la grand-voile, en vu d’un probable renforcement du vent et afin de moins solliciter le pilote.

Peu avant minuit, une barre symbolique a été franchie: plus que 1’000 milles à parcourir, l’arrivée n’a jamais été aussi proche!! Dernière ligne droite en descente sur Nuku Hiva, notre ETA est prévue entre le 7 et le 9, mais dépendra bien évidemment des conditions de vent et de mer rencontrées. Eliane et les enfants, qui arrivent le 6, vont devoir être hébergés sur un bateau copain. Pierre et Anouk, sur leur catamaran Nanuk, l’ont très gentiment proposé. Encore un tout grand merci à eux. Deux autres bateaux copains s’étaient aussi proposés, Mare1 et Quickstep Too, un grand merci à eux également. Et à l’inverse de ce que nous pensions, ce sont donc Eliane et les enfants qui nous accueilleront, comme lors de la transatlantique!!

Les bateaux copains, c’est comme cela que l’on se nomme entre nous, c’est important à plus d’un titre. Tous les voiliers rencontrés ne deviennent pas des bateaux copains. Comme à terre, seuls ceux avec qui nous avons des affinités le deviennent. Tous ont un point commun bien sûr, c’est de faire de la voile, mais tous ne la pratique pas de la même manière. Tous font un tour du monde, ou du moins en parcours une partie, mais tous ne le font pas dans le même état d’esprit et en respectant les mêmes valeurs. Les bateaux copains se retrouvent autour de valeurs communes. C’est un joyeux melting-pot assez éclectique regroupant des personnes de milieux sociaux culturels assez différents. Ils viennent de nombreux pays et d’un peu partout dans le monde. Ce mélange de culture en fait la richesse. Mais même s’ils ne deviennent pas tous des bateaux copains, chaque rencontre, chaque échange est vraiment très intéressant à vivre, car il est tout de même systématiquement relié par le même point commun: la voile. Nous parlons le même langage, vivons plus ou moins certaines mêmes expériences, aimons voyager, aller à la rencontre des autres, et découvrir le monde à bord de notre voilier. Ce voilier, ce n’est ni plus ni moins que notre maison flottante. Nous nous déplaçons avec elle d’île en île, de pays en pays, de continent en continent et d’océan en océan.

En grande traversée comme nous la vivons en ce moment, nous apprécions d’autant plus la présence de nos bateaux copains autour de nous. Nous ressentons la bienveillance et la compassion dans les moments que nous vivons. La solidarité, ou encore l’entraide mutuelle, entre nous est la chose la plus naturelle qui soit. En cas de difficultés, nous savons que nous pouvons compter sur chacun de nous. C’est d’autant plus vrai en cas de fortune de mer, et là, que ce soit pour un bateau copain ou pas, l’assistance est systématique. Nos échanges sur des problématiques techniques se font comme si nous avions nous même le problème. Nous échangeons toutes les informations utiles à l’autre.

A l’arrivée à Nuku Hiva, nous nous retrouverons autour d’un apéro bien mérité, et referons nos traversées du Pacifique, qui resteront à jamais gravées dans nos mémoires.

Lundi 2 mai – 13h TU

Position: 5.19 S 126.56 W

3’191 milles parcourus, 814 milles à parcourir.

Dimanche 1er mai – jour 24

Le vent a commencé à se renforcer en fin de nuit comme annoncé dans les dernières prévisions météos. Nous sommes restés sous gennaker jusqu’au petit matin où nous sommes repassés sous génois, toujours avec deux ris dans la grand-voile. Il s’est maintenu toute la journée et s’est même encore renforcé au couché du soleil. Le pilote a bien tenu son rôle pendant tout ce temps, malgré les près de 3 mètres de vagues. Et ça c’est une très bonne chose pour le moral et le repos de l’équipage!!

Comment se passent les manœuvres à bord de Niue et quelles sont elles? Il y en a de trois types: celles en lien avec la vitesse du vent et du bateau (augmentation ou réduction de la surface des voiles), celles en lien avec la direction du vent et du bateau (empannage et virement de bord) et celles en lien avec le réglages des voiles (border ou choquer les voiles). Pour les deux premières, nous les réalisons toujours à deux, de jour comme de nuit. Pour les troisièmes, il n’y a aucun risque à les réaliser en solo.

La surface des voiles que nous portons dépend de la vitesse du vent (apparent et réel) et de l’allure à laquelle nous allons (pour faire simple: au près – on remonte au vent, au travers – le vent vient de côté, et au portant – le vent vient de l’arrière).

Le vent réel est celui d’où lequel vient réellement le vent avec sa force réelle. Le vent apparent est celui ressenti à bord: lorsque nous remontons au vent, nous créons du vent lié à la vitesse du bateau, il est donc plus fort que le vent réel, lorsque le vent vient de l’arrière, notre vitesse de déplacement vient en réduction du vent réel. La direction du vent apparent est également différente du vent réel de 10 à 20 degrés selon l’allure. Lorsque nous sommes vent de travers, le vent apparent est le même que le vent réel, tant en force qu’en direction.

Le vent réel est important à connaître, mais le plus utile est le vent apparent. C’est de lui que va dépendre la décision de réduire ou d’augmenter la surface des voiles. A bord de Niue, nous réduisons ou augmentons la surface des voiles dès que le vent apparent atteint les forces suivantes: 18, 25 et 32 noeuds, respectivement avec 1, 2 et 3 ris (dans la grand-voile et dans le génois). Cela étant, nous naviguons de manière très sécuritaire à bord, et anticipons plus ces forces théoriques, qui dépendent par ailleurs également de l’état de la mer, des enfants à bord, de l’état de fatigue, du jour ou de la nuit, de l’expérience de l’équipage et de l’âge du capitaine. Qui plus est, nous ne sommes pas en course mais en grand voyage, et devons penser à préserver le matériel et l’équipage.

Bref, après cette digression théorique, comment fait-on concrètement pour, par exemple, réduire la voilure, donc prendre un ris. Tout d’abord, nous relevons d’un cran (il y en a 3, un pour chaque ris) les dérives (si l’allure est du près au travers – au portant point de dérives), chacun est à un winch, et en même temps (pour éviter qu’il n’y ait trop d’effort sur une seule et qu’elle ne se brise sous la pression trop forte) nous les remontons. Puis, l’un va au pied de mât pour prendre le ris, et l’autre est à la barre et aux écoutes. Il faut loffer, donc remonter au vent pour déventer la grand-voile, choquer les écoutes, reprendre la balancine (un bout en bout de bôme qui permet de la tenir sinon elle s’écraserait sur le bimini et les panneaux solaires), choquer la drisse de grand-voile, baisser le grand-voile, passer un bout dans le ris (un anneau sur la voile près de la bôme), étarquer les bosses de ris (les bouts à l’arrière de la grand-voile), étarquer la drisse de grand-voile, relâcher la balancine, border les écoutes et reprendre la route. Tout cela peut prendre 10 à 15 minutes selon le ou les ris à prendre, de l’état de la mer,… Après cette manœuvre, vous êtes rincé, au sens propre comme au figuré, car à l’avant ça peut bien mouiller!!

Pour le génois, c’est beaucoup plus simple, il y a un enrouleur qui se manœuvre sur un winch depuis le cockpit. Pour le gennaker, c’est un peu pareil en plus costaud, car il est sûr emmagasineur (moins pratique que l’enrouleur) et beaucoup plus grand.

Concernant les virements de bord et bien nous n’en faisons quasiment jamais et n’en avons fait aucun sur cette traversée. Pour ce qui est des empannages, tout se passe dans le cockpit, avec chacun une écoute de grand-voile, et l’un des deux aux commandes du pilote. Il faut retirer la retenue de bôme (elle permet au portant d’éviter les empannages intempestifs, de bien fermer la chute de la grand-voile, et que la grand-voile ne claque à cause des vagues lorsque le vent est trop mou), ramener la grand-voile voile au centre tout en commençant à amener le bateau avec le vent pile de arrière, puis dès que la voile bascule de l’autre côté relâcher les deux écoutes progressivement, mettre la retenue de bôme, prendre le bon cap et pour finir régler la retenue et les écoutes.

Pour les réglages des voiles, c’est tout simple grâce aux winchs qui démultiplient les forces. Après chaque manœuvre, on se congratule pour se féliciter que tout s’est bien passé, on cherche les améliorations à apporter dans la fluidité des manœuvres pour les fois prochaines, et on boit un grand verre d’eau dessalinisée et fraîche!!

Mardi 3 mai – 13h TU

Position: 5.56 S 129.14 W

3’335 milles parcourus, 672 milles à parcourir.

Lundi 2 mai – jour 25

Les prévisions météos ont enfin été correctes, et ça faisait longtemps que ça n’était pas arrivé. Le vent a bien soufflé pendant près de 36h à 16-20 noeuds, avant de se tasser un peu. La mer a suivi avec des vagues de près de 3 mètres et une houle ample. C’est seulement en début d’après-midi que le vent a fini pas descendre un peu, la mer quant à elle prendra un plus de temps. Nous avons remis le gennaker, tout en gardant deux ris dans la grand-voile.

Les températures sont plutôt clémentes sous ces latitudes. Nous ne dépassons guère les 28 degrés en journée et pas moins de 25 la nuit. Mais il peut y avoir des variations importantes entre l’intérieur du bateau et l’extérieur.

A l’intérieur, dans le carré, lorsque nous cuisinons la température peut vite grimper de quelques degrés, surtout si c’est avec le four. Dans les cabines, nous n’ouvrons jamais les hublots, car il y a un risque trop important de créer une voie d’eau qui pourrait être dangereuse. Lorsque le soleil cogne dure, il peut vite y faire bien chaud. Heureusement, de petits ventilateurs nous rafraîchissent en journée, et la nuit l’air frais qui vient du carré nous fait du bien, et nous supportons même un petit drap sur le corps.

A l’extérieur, cela dépend de la couverture nuageuse, mais majoritairement nous sommes à l’ombre en après-midi, car nous allons vers l’Ouest et les voiles cachent ainsi le soleil.

D’ailleurs, les voiles cachent aussi les panneaux solaires!! Heureusement, nous en avons suffisamment pour qu’ils compensent aisément la consommation quotidienne. Ainsi, nous n’avons pas besoin de mettre les moteurs pour produire notre électricité!! Nous faisons même notre production d’eau dessalinisée grâce aux panneaux solaires. Le dessalinisateur fonctionne donc en fin de matinée, lorsque le soleil est presque à son zénith et juste avant qu’il ne soit caché par les voiles.

Nous produisons l’eau pour les cuves qui nous sert pour la vaisselle, les toilettes et la douche, et l’eau de boisson qui passe dans un filtre minéralisant. Tout cela ne prend que 30 à 45 minutes chaque jour, car à deux il y a forcément moins de besoins qu’à quatre comme nous sommes habituellement. Nous produisons autre chose à bord: des déchets. Là, c’est facile, nous balançons tout à la mer… meuh non ce n’est pas vrai!! Seulement les déchets organiques: pelures et épluchures des fruits et légumes. Le reste: les plastiques, les boîtes métalliques, les verres et les papiers sont stockés dans une caisse. Tout ce qui peut sentir mauvais est mis dans des emballages plastiques fermés (beaucoup d’emballages ont des zips bien pratiques) et les boîtes métalliques sont écrasées pour prendre le moins de place possible. Au final, il n’y a quasiment rien dans la poubelle du carré, elle est d’ailleurs quasiment vide depuis maintenant plus de 3 semaines que l’on est en mer!!

Mercredi 4 mai – 13h TU

Position: 6.43 S 131.38 W

3’488 milles parcourus, 522 milles à parcourir.

Mardi 3 mai – jour 26

Nous avons fini par relâcher le 2ème ris à 2h du matin, car le vent s’est maintenu à un niveau plus faible de 15-17 noeuds, avec quelques rafales à 20. Nous avons laissé le gennaker qui nous permet de conserver une bonne vitesse tout en levant les étraves de Niue. Le pilote est ainsi moins sollicité. La matinée et la journée se sont poursuivis de la sorte, ainsi que toute la nuit suivante.

La vie marine est riche dans les eaux du Pacifique!! Pourquoi puis-je affirmer cela? Et bien, il nous suffit de regarder la coque et la dernière marche à l’arrière tribord qui baigne régulièrement dans l’eau pour l’affirmer. La coque est recouverte d’algues et de pousse-pieds!! C’est incroyable que des pousse-pieds arrivent à s’accrocher et à se développer sur une coque en mouvement. Il y en a des milliers!! Et je n’exagère pas, j’en ai la preuve en images. Quant à la marche, il va bientôt falloir prendre la tondeuse tellement les algues vertes qui ont poussé dessus sont longues. Il y a même des pousse-pieds sur la marche!!

Nous avons aussi vu un banc d’au moins une centaine de globicephales et un autre tout aussi grand de dauphins. Ces derniers sont venus, fendants l’eau et sautants au dessus des vagues, jouer dans les étraves de Niue. C’était un très beau moment à vivre.

Côté pêche, c’est sûr, il y a du monde en dessous!! Nous avons même vu une bonite chasser. Mais aucun poisson n’a fini dans notre assiette pour le moment. Trois ont toutefois failli, un s’est décroché et deux sont partis avec nos leurres. Score actuel: poissons 2 – équipage 0!!

Mais il y en quand même qui a pêché, et pas qu’un peu: c’est Niue. Tous les matins nous récoltons des quantités de poissons volants et de calamars venus s’échouer sur le trampoline ou sur le pont, et parfois même dans le cockpit. Nous avons retrouvé un calamar sur la table!! Il faut se méfier car une attaque de calamar ça va, mais de poisson volant, ça peut faire mal, car ils ne sont pas facile à esquiver, surtout la nuit!!

Position: 7.25 S 133.40 W

3’618 milles parcourus, 394 milles à parcourir.

Mercredi 4 mai – jour 27

Le vent a finalement commencé à mollir progressivement pour s’établir plein Est à 12-14 noeuds. La mer a, elle aussi, commencé à baisser, nous n’avons plus que 2.10-2.30 mètres de houles. Nous avançons entre 5 et 6 noeuds sous grand-voile avec 1 ris et gennaker à 130 degrés du vent.

Et sinon, comment se passent les relations à bord de Niue entre Pascal et moi? Après 4 semaines dans un environnement clos, 24 heures sur 24, sans possibilité de s’évader ni de prendre le large, sans bouffée d’air frais, où la seule possibilité de s’isoler est d’être dans sa cabine, comment le vivons-nous? C’était pour nous deux une première, car le plus long moment que l’on ait passé ensemble en navigation jusqu’à présent était lors d’une traversée continent-Corse, suivie d’un tour de Corse pendant deux semaines.

C’était à bord de notre ancien voilier et nous étions cinq à bord, ce qui finalement n’a rien à voir avec ce que nous vivons actuellement.

Alors, si globalement, nous pouvons dire que nous nous entendons très bien et que la vie à bord se passe dans une très bonne ambiance, ce serait nous mentir à nous-mêmes que de dire que tout est beau et tout est rose, enfin plutôt bleu vu l’environnement qui nous entoure!!

Bien que j’ai entièrement confiance en Pascal, je suis de nature très paternaliste, au point de ne pas laisser l’autre prendre des initiatives, où toujours être derrière lui pour vérifier qu’il n’y a pas un risque de blessure. Au début, ça a été très rassurant pour Pascal qui découvrait Niue et qui avait besoin de prendre ses marques. A la longue, ça peut devenir pesant, voir énervant. Chaque jour qui passe, j’essaie de prendre sur moi un peu plus, et de le laisser gérer, tout en gardant un œil sur les aspects sécuritaires.

Dans des moments plus difficiles, comme nous avons pu le vivre lors de la casse de l’axe du pilote et des heures qui ont suivies passées à la barre, nous avons ressenti de l’agacement mutuel lié à la fatigue. Pour Pascal, la fatigue le rend irritable. Pour moi, elle entraîne une sorte de pessimisme. Nous avons chacun dû prendre sur nous et prendre du recul sur les événements pour passer ce cap. La réflexion commune et la recherche d’une solution pour la réparation ont fortement aidé à le passer.

Au final, nous pouvons dire que l’on a continué à apprendre l’un de l’autre, que nos compétences sont complémentaires, que prendre du recul sur les événements est vraiment très important, et qu’à partir du moment où nous exprimons nos ressentis et nos émotions en toute franchise, nulle épreuve n’est insurmontable!!

Vendredi 6 mai – 13h TU

Position: 7.50 S 135.40 W

3’741 milles parcourus, 273 milles à parcourir.

Jeudi 5 mai – jour 28

Depuis quelques jours maintenant, le vent alterne des phases de vent modéré en journée (12-14 noeuds) à des phases de vent plus soutenu la nuit (15-17 noeuds), avec toujours quelques rafales supérieures de plus ou moins 2-3 noeuds. Nous sommes restés sous grand-voile avec un ris et gennaker, et notre vitesse oscille au grès du vent entre 5 et 7 noeuds, avec un angle assez abattu de 120 à 140 degrés du vent. Les milles défilent et nous nous rapprochons, à chaque heure qui passe, un peu plus de notre destination!!

Je l’ai déjà écrit, nous ne souffrons pas de la solitude en tant que telle, car nous sommes deux à bord. Mais nous sommes souvent seul avec nous-mêmes. Nos pensées sont vagabondes et peuvent s’accompagner de moments d’introspection. Nous avons le temps de laisser aller nos pensées et nos réflexions, dans une ambiance contemplative de la nature qui nous entoure, et qui y participe.

Lorsque nous ne sommes pas à la barre, lors de nos quarts ou en repos, nous pouvons lire, écouter de la musique ou des potcasts, ou encore faire des jeux, comme des sudokus par exemple. Mais là où je prends le plus de plaisir, c’est dans l’écriture du journal de bord, celui-là même que vous lisez actuellement. Ces petits textes sont pour moi un moment de partage avec vous comme si vous étiez à mes côtés. C’est le partage de cette expérience d’une traversée du pacifique et de la vie à bord de notre compagnon de voyage Niue.

Cette vie à bord au quotidien depuis maintenant 1 an 1/2, c’est la vie que l’on a choisie de vivre avec Eliane et nos enfants. Elle est riche en émotions, en découverte de soi et des uns les autres, en rencontre, en partage, en remise en question, en apprentissage, tout en étant au quotidien en contact direct avec la nature qui nous entoure, si belle et pourtant si fragile!!

Samedi 7 mai – 13h TU

Position: 8.12 S 137.36 W

3’859 milles parcourus, 156 milles à parcourir.

Vendredi 6 mai – jour 29

Nous finirons très certainement dans de petits airs. En effet, selon les prévisions météos, le vent et la mer se calment à l’approche des Marquises. Chaque heure qui passe nous rapproche un peu plus, mais nous fait aussi décaler notre ETA. Nous devrions probablement arriver dans la journée du 8.

Tout au long de cette traversée du Pacifique, nous aurons vécu d’intenses moments d’émotions, d’états très différents et de sentiments variés: de la joie, de la colère, de la surprise, de l’émerveillement, de la rêverie, de la peur, du courage, de la fierté, de l’impatience, de l’inquiétude, de la curiosité, mais également de la tristesse.

La tristesse qu’ils n’aient pas été avec moi pour réaliser cette traversée du Pacifique. Ils, ce sont bien évidemment Eliane, Naël et Camille. Comme pour l’Atlantique, il était préférable qu’ils me rejoignent à l’arrivée. Auraient-ils apprécié autant que moi ces navigations? Pas certain!! Surtout celle-ci, car un mois en mer, en vase clos, sans pouvoir se dégourdir les jambes, marcher, courir, sauter,… , aurait très certainement été difficile à gérer, tant pour nous, les adultes, avec les quarts et la fatigue, que pour les enfants.

Alors ai-je un regret? Et bien je ne crois pas, car avec le recul, je pense que c’est mieux ainsi. Nos doutes et notre remise en question après notre demi-tour ont fait évoluer notre façon de voir les choses sur notre voyage. Nous sommes encore plus à l’écoute des besoins de chacun de nous. Je ne saurais dire si nous irons plus loin que la Polynésie française à bord de Niue, mais nous essaierons. Nous avons failli nous arrêter au Panama, et finalement nous voici bientôt réunis aux Marquises pour continuer la route.

Après bientôt 12’000 milles au compteur de Niue, passer à naviguer à son bord, il a prouvé ses qualités marines dont je ne doutais guère. C’est certain que c’est parfois un peu sport et que nous restons à la merci des éléments, mais si nous restons humbles devant la nature et savons l’aborder avec toutes les précautions et la sagesse de tout navigateur qui se respecte, alors nous pourrons continuer à sillonner les océans. Et si nous en décidons autrement, et bien qu’il en soit ainsi. Je suis certain qu’il continuera à procurer autant de plaisir qu’il m’en donne à une autre famille. Niue, c’est notre maison flottante, notre moyen de transport, qui nous permet d’aller à la découverte de nouveaux lieux, de nouvelles cultures, de nouvelles personnes. Mais il en existe bien d’autres. Alors qui sait? Le principal est de se sentir bien tous les quatre ensembles.

Nous prenons le positif, et gérons le négatif comme un tremplin nous permettant de prendre de la hauteur, afin d’avoir une perspective différente sur la difficulté ou le doute qui peut s’installer.

Chaque expérience, et surtout lorsqu’il s’agit d’une épreuve à surmonter, est riche d’enseignements, et elle nous permet de nous enrichir et de nous faire évoluer!!

Dimanche 8 mai – 15h TU

Position: 8.48 S 139.39 W

3’987 milles parcourus, 29 milles à parcourir.

Samedi 7 mai – jour 30

Je peux maintenant le confirmer: nous finissons notre traversée dans de petits airs. Les voiles peinent à rester gonfler et nous voilà à nouveau contraint de mettre les moteurs en marche pour aider. Les alizés se sont révélés finalement être de très faible puissance tout au long de notre périple.

Terre en vue!!

Les Marquises, qui ont enchanté, inspiré et fait rêver tant d’artistes avant nous, comme Paul Gauguin ou Jacques Brel pour ne citer qu’eux, vont se dévoiler à nos yeux dès que la nuit aura laissé place au jour. Ua Huka, la première île des Marquises, 25 milles à l’Est de Nuku Hiva, nous n’en aurons aperçu que les contours dans l’aube naissante. Nous avons hâte d’entrevoir au petit matin Nuku Hiva, qui apparaîtra majestueuse et si haute que l’on pourrait croire que ses arrêtes percent le ciel et les nuages.

L’archipel des Marquises est l’un des cinq archipels que compte la Polynésie française, avec également les archipels de la Société, des Gambier, des Tuaomotu et des Australes. Il est situé le plus au nord-est de la Polynésie française. Celle-ci se répartit sur une surface plus grande que l’Europe et compte 118 îles. Ces îles ont été formées par l’éruption de volcans sous-marins ce qui offrent des paysages fabuleux, faits de hautes montagnes, avec des falaises aux reliefs tranchants comme peuvent l’être les Marquises, mais aussi, lorsque le volcan a fini par s’affaisser, des lagons entourés par leur barrière de corails, comme aux Tuamotu.

Les premiers polynésiens, originaires du sud-est asiatique, sont arrivés sur ces îles à bord de leurs longues pirogues pouvant transportées jusqu’à 200 personnes, il y a environ deux siècles. Ils y ont apporté leur langue, qui a évoluée depuis, leur culture ancestrale, leurs plantes alimentaires et leurs animaux.

Nous allons bientôt retrouver Eliane et les enfants, ainsi que le calme du mouillage. Après cette Transpacifique, place à présent à la découverte de la Polynésie française, de sa culture traditionnelle et de sa civilisation Maohi!!

Dimanche 8 mai – 21h30 TU

Position: 8.55 S 140.06 W, mouillage dans la baie de Taiohae, Nuku Hiva, archipel des Marquises

4’017 milles parcourus, 0 mille à parcourir.

Nous avons jeté l’ancre (au sens figuré bien sûr) dans la baie de Taiohae en fin de matinée après 30 jours et 1 heure de navigation pour parcourir 4’017 milles nautiques. Nuku Hiva s’est dévoilée à nous au levé du soleil. Quelle joie et quel émerveillement pour nous que de voir ses montagnes majestueuses qui jaillissent de l’océan jusqu’à en toucher les nuages. Nous l’avons fait!! Nous avons traversé le Pacifique à la voile à bord de Niue.

Eliane et les enfants sont venus à notre rencontre dans l’annexe de Pierre et d’Anouk, qui les ont hébergé à bord de Nanuk en nous attendant. Quelle joie également de les revoir après ce mois de séparation.

Nous allons maintenant pouvoir profiter et découvrir ensemble les mouillages idylliques, la nature luxuriante, la culture Mahoi, et faire de nouvelles rencontres dans ces îles de Polynésie française, à commencer par les Marquises. Place à la découverte et à l’aventure!!