Passage du canal de Panama

Passage du canal de Panama

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Pour commencer

Une fois la décision prise de continuer la route vers l’ouest et donc d’aller dans le Pacifique, il nous fallait nous renseigner pour passer le canal de Panama. Et pour cela quoi de mieux que de profiter de l’expérience d’autres voiliers l’ayant déjà fait. Nous avons donc contacté, via les réseaux sociaux, quelques bateaux copains et avons vite reçu toutes les informations dont nous avions besoin. La première chose à faire est de choisir un agent qui facilitera toute l’administration à faire pour passer le canal, bien que certains fassent les formalités eux-mêmes. Si vous cherchez un lien qui peut vous aider à passer le canal sans agent rendez-vous sur Facebook: cata profité. Nous choisissons cette facilité et prenons contact avec un agent qu’un bateau copain nous a conseillé pour son efficacité et sa gentillesse : Stanley Scott (navierastanleys.a@gmail.com). Dès les premiers contacts, celui-ci nous prouve par sa réactivité que nous avons fait le bon choix. Ses conseils et son expérience sont précieux. Petit aparté, nous avons entendu que de bon écho des autres agents par d’autres bateaux. Sachez également que dans le prix de l’agent, les formalités d’entrée et de sortie du Panama sont comprises.

Nous voilà au mouillage de Shelter Bay, The Flats

 

L’entrée du canal, côté Atlantique, se trouve près de la ville de Colon dans une vaste baie protégée par une immense digue. Dès l’approche des dizaines de cargos plus imposants les uns que les autres sont bien visibles de jour comme de nuit. Ils attendent en dehors de la baie ou à l’intérieur, mouillés dans une vingtaine de mètres de profondeur.

L’entrée dans la baie, entre la digue, n’est pas si large que l’on pourrait le croire et l’arrivée en voilier doit se faire en contrôlant les vitesses des cargos entrants et sortants qui croisent à des vitesses entre 10 et 15 nœuds, ce qui est énorme par rapport à nous. Un seul mouillage est autorisé pour les voiliers, appelé «The Flats», tout près de Shelter Bay Marina, la seule marina ici. Ce mouillage est le point de départ pour traverser le canal et récupérer au préalable le «Pilote». La marina est un passage également obligé pour récupérer le matériel et les «handliners». Il faut en effet se procurer 4 longues aussières et d’énormes pare-battages, et avoir à bord 4 personnes, les «handliners» qui s’occupent des aussières, en plus du capitaine du bateau et du «Pilote». Il est apparemment obligatoire d’avoir au moins un handliner qui a déjà passé le canal. Le pilote est en charge de donner au capitaine les instructions en temps réel tout au long du parcours et de la traversée des écluses.

 

Au préalable, nous devons avoir la visite à bord d’un officiel du canal afin de faire l’«inspection», soit la mesure du voilier et remplir un formulaire permettant d’obtenir un numéro d’identification obligatoire pour passer le canal.

Nous ferons cette «inspection» au mouillage, la personne devant monter à bord depuis un bateau pilote au risque de venir frapper notre Niue. L’approche est délicate car le mouillage est tout de même ouvert au vent et aux vagues. Nous avons été contraints de retirer notre filière supérieure pour que la personne puisse monter à bord avec ses grosses chaussures de chantier qu’elle a refusé de retirer (heureusement il n’y a pas eu de grosses traces noires sur le pont). Donc prévoyez de défaire la filière supérieure si vous n’avez pas d’ouverture prévu sur le bordé.

Tous cela à un coût non négligeable… 2’500 USD tout de même !!! Ce tarif semble pareil en passant avec d’autres agent. Ce tarif correspond aux voiliers de moins de 65 pieds. A cela s’ajoute le prix à payer pour les handliners, soit 100 USD pour chacun d’eux. Il est possible de trouver des amis ou connaissances ou encore de poster sur le groupe de Panama Cruiser de Facebook pour remplacer les handliners.

Nous avons réservé une date avec notre agent, soit le 4 janvier 2022. Mais un fort vent étant prévu ce jour-là, nous avons repoussé de 2 jours notre passage. Un autre décalage nous a été annoncé par notre agent dû à un manque de personnel des autorités du canal et c’est finalement le 8 janvier que notre passage est planifié. Nous sommes donc 8 personnes à bord pour 2 jours de traversée du Canal de Panama, avec en préambule la préparation des repas (3 au total) pour toute l’équipe. Il vous faut prévoir un petit-déjeuner, un repas de midi et un repas du soir. Les sandwiches ne sont apparemment pas les bienvenus. Prévoyez de la viande, le poulet est une valeur sure. Nous avons eu la chance d’avoir deux handliners et un pilote très sympathiques et surtout très compétents. Il arrive que le transit du canal de Panama se passe en un jour. Les handliners dorment à bord la veille et le pilote arrive vers les 4 heures du matin pour démarrer le transit, pour se terminer le soir vers 17-18 heures.

Pour une question de facilité, nous nous sommes mis à la marina de Shelter Bay pour plusieurs nuits. Premièrement, le mouillage située à l’extérieur peut vite être inconfortable et les déplacement en annexe compliqués quand le vent se lève. Malgré une digue, la mer du vent se lève rapidement. Deuxièmement, pour pouvoir avitailler à Côlon, la marina à un petit bus qui coûte 25$ si vous n’êtes pas à la marina (gratuit si vous êtes au port), sinon vous avez l’option du taxi mais avec un coût avoisinant les 50$. Troisièmement, si vous êtes à l’ancrage, vous devez payer 12$ pour poser votre annexe et 25$ pour venir chercher vos bouées, amarres et handliners. Vous aurez vite fait le calcul et malgré un tarif élevé de la marina, nous avons pris l’option de nous mettre au port.

Préparation le jour J

Nous avons préparé nos repas le matin. Pour des idées, nous avons opté pour un poulet/courgettes au curry à la crème servi avec du riz et une bolognaise. Le poulet et les courgettes ont été cuits et agrémentés à l’avance. Il n’y a plus qu’à réchauffer le tout dans de la crème et cuire le riz. La bolognaise et les pâtes ont été également préparés à l’avance, puis réchauffés au dernier moment. Un petit brownies pour le plaisir. Du pain fait maison pour le matin avec fromage, confiture, beurre, miel et œufs brouillés. Nous aimons anticiper les choses, avoir le moins de choses à faire, de plus dans les situations inconnues. Il y a un peu de notre caractère certes, mais c’est aussi notre vie de parents d’enfant autiste. Nous sommes toujours dans l’anticipation des imprévus qui pourrait déclencher une crise, des comportements de notre fils et de ses impulsions.

Nous n’avions pas non plus l’information si nous passions à plusieurs voiliers en même temps dans le canal. Si vous êtes seul, il vous faut gérer les 4 amarres. Si vous êtes à couple à deux bateaux, une fois amarré à l’autre bateau, vous ne gérez que le côté du quai et si encore vous êtes à trois bateaux et que vous vous trouvez au milieu, une fois amarrés aux autres vous ne faites rien du tout (enfin si c’est tout de même vous qui assurez la propulsion)!

Nous avons également protégé nos hublots de pont avec nos poufs et coussins pour éviter toute casse lorsque les personnes à terre lancent les messagers avec de grosse boules au bout. Les messagers permettent d’attacher nos amarres pour ensuite les envoyer à terre. Ces messagers sont normalement envoyés à l’avant du bateau, c’est pour cela que nous n’avons pas protégé nos panneaux solaires à l’arrière, mais à réfléchir selon chaque configuration de bateau.

14h30

Les handliners sont à bord et nous larguons les amarres du quai de Shelter Bay pour aller s’ancrer dans la baie où le pilote nous rejoindra. Le pilote est la personne qui représente le canal de Panama et nous donne toutes les instructions et nous guide.

Les handliners ont l’air très efficace. Ils nous guident sur ce qu’il y a à faire. Nous apprenons que nous serons 3 voiliers à couple. Nous serons sur le côté tribord. De ce fait, nous mettrons nos pare-battages côté quai et les gros pare-battages loués côté du voilier. Nous utiliserons nos aussières pour nous amarrer au voilier et les grosses aussières iront à quai. Je profite pour faire cuire une première fournée de pâte, car il faut savoir que le pilote mange habituellement soit à la deuxième écluse, soit à la troisième écluse. Nous mangerons avec les handliners plus tard une fois arrivés dans le lac Gatun.

La tension est palpable, nous guettons l’arrivée du pilote. Un mélange de stress, d’impatience, de réflexion sur ce que nous avons vécu jusqu’à maintenant et sur ce que nous allons vivre. Un point noir pointe à l’horizon, ça y est le pilote arrive. Avec ce pilote, aucune nécessité d’enlever la filière, d’ailleurs les handliners nous disaient qu’ils ne le faisaient jamais.

15h30

Nous levons l’ancre direction les écluses de l’Atlantique. Le trajet est long jusqu’au premières écluses. Nous somme tellement excités. Nous passons sous le pont de l’Atlantique. Une belle architecture qui signe la fin de l’Atlantique. Nous verrons au loin le cargo qui nous accompagnera pour cette montée dans le lac Gatun.

16h45

Nous patientons, nous attendons que la première écluse se libère. Le cargo nous accompagnant charge l’équipage du Canal pour passer les écluses, si mes souvenirs sont bons, il y a environ une vingtaine de personnes qui montent à bord. Le cargo rentrera en premier, suivi de nous.

17h15

Nous nous mettons face au vent et mettons les 3 voiliers à couple et prenons la direction de la première écluse. Une fois arrivés à l’entrée des écluses des hommes à terre envoient à l’avant du voilier des «messagers» auxquels vous faites un nœud de chaise à votre amarre. Une fois dans l’écluse, ils tireront l’amarre.

17h30

Nous sommes dans l’écluse. Juste incroyable, immense, nous restons bouche bée devant ce monument. Les portes se referment sur nous. Les portes se ferment sur l’Atlantique et nous voilà bel et bien séparés de cette mer que nous avons parcouru pendant 15 mois avec Niue. Une fois l’eau complètement montée la vue sur le pont de l’Atlantique et sur l’océan Atlantique est magnifique.

*Pour information, dans les écluses côté Atlantique les messagers ne sont envoyés qu’une seule fois. Les hommes à terre suivent le bateau avec le messager encore attaché à l’aussière.

19h00

Après avoir passé trois écluses, nous voilà dans le lac Gatùn. C’est ici que nous passerons la nuit.

19h30

Nous amarrons Niue à une grosse bouée. Le repas se fait avec tout l’équipage, dont les handliners qui dorment également à bord, en général à l’extérieur. Nous ne tardons pas à aller dormir, les préparations, les émotions et la chaleur nous ont bien fatigué !

Réveil 6h00

Un réveil matinal, mais le levé de soleil nous fait oublier notre fatigue

Nous ne savons pas exactement à quelle heure le pilote vient, entre 6 et 8 heures peut-être. Nous prenons notre petit-déjeuner. Les handliners attendrons le pilote pour petit-déjeuner.

8h40

Le pilote arrive. Nous sommes contents, il est le même que la veille, ce qui n’est pas toujours le cas. Nous larguons directement les amarres pour parcourir les 25 miles qui nous mènent à la première écluse du côté pacifique. Maintenant que le pilote est à bord, tout le monde déjeune. Ce passage dans le lac Gatùn est long. Il fait une chaleur écrasante. Nous nous amusons à observer les cargos que nous croisons, à regarder leur longueur sur l’AIS, nous croiserons aussi le train qui relie Panama City à Colon. Juste avant d’arriver aux écluses, nous mangerons le repas de midi, il est 12h40.

13h30

Nous nous mettons à couple d’un seul voilier cette fois-ci et rentrons dans l’écluse. Nous attendrons presque une heure entre le temps que le cargo se place derrière nous et la descente des eaux, il est 14h30.

 

Le procédé est le même que pour les autres écluses sauf que l’eau descend et qu’ici côté Pacifique, vous avez une première écluse, puis les deux suivantes sont quelques miles plus loin. Vous restez donc à couple, mais il vous faut récupérer une seconde fois les messagers pour les aussières.

Nous voilà dans les écluses de Miraflores. Les écluses qui nous ouvrent les portes sur l’Océan Pacifique. Nous voyons par dessus l’écluse cette immensité d’eau qui s’offre à nous.

16h15

La cloche retentit, les portes s’ouvrent et l’eau du Pacifique s’engouffre entre les coques de Niue. Un moment tellement fort, remplis d’émotions, des pensées sur tout ce que l’on a enduré durant ces dernières années, mais aussi sur les joies que nous avons eu. Une porte qui s’ouvre, mais où la suite ne sera pas simple. Faire face à ses peurs, face à ce challenge familial qui nous attend, la traversée du Pacifique.

Le passage est un moment fort de notre voyage. Des portes qui se ferment sur le passé, sur ce que nous avons vécu pendant plus d’une année dans les eaux de l’Atlantique, qui nous éloignent toujours un peu plus de notre point de départ, de notre famille, de nos amis et de nos racines. Une porte se ferme mais nous ne la fermons pas à l’intérieur de nous. Je crois qu’il ne faut pas fermer la porte sur le passé. Il faut essayer de le prendre avec et d’en faire quelque chose même s’il nous laisse un goût amer. Le passé est celui qui nous fait grandir et encore grandir.

Un passage tellement émouvant, avec des imprévus, des changements d’habitudes que nous avons mis un certain temps à nous en remettre et à retrouver notre équilibre familial précaire.

Une porte qui s’ouvre sur le Pacifique. Une porte qui s’ouvre vers l’ouest, vers l’horizon totalement nu. Un horizon que nous rêvons, envions depuis longtemps. Un horizon que nous souhaitons créer nous-mêmes, créer à notre image, selon nos besoins spécifiques.

Le pont des Amériques

Niue passe son mât sous le pont des Amériques et signe son entrée dans le Pacifique. Encore un pont impressionnant. Il était le seul pont jusqu’en 2004 reliant l’Amérique du Nord à l’Amérique du sud.

Nous déposons les handliners ainsi que les pare-battages et amarres à Balboa, et le pilote au mouillage de la Playita. Nous continuons notre chemin jusqu’au mouillage de Las Brisas avec un superbe coucher de soleil pour bien terminer ces deux belles journées.