Une dure décision à prendre

Une dure décision à prendre

Nous voilà à Mindelo, prochaine étape la transatlantique.

Les doutes

Cela fait déjà quelques temps que les doutes vont et viennent dans notre cerveau, plus particulièrement dans mon cerveau. Dans cette tête qui ne cesse de réfléchir, de bouillonner, de ressasser, en perpétuel mouvance, un peu comme cette mer qui nous entoure. Si ce n’est pas le mouvement des vagues, ce sont les différences de températures que nous pouvons sentir en s’immergeant dans l’eau ou encore les vaguelettes que produisent les poissons. En somme l’eau n’est jamais vraiment statique, il en va de même pour mon cerveau.

Je crois que les débuts ont été un peu rudes et ne m’ont pas mise en confiance. Une peur est apparue et d’autres peurs, émotions ont suivies, pas forcément en lien avec le bateau, mais les projets comme ceux-ci nous font prendre de la distance, beaucoup de choses refont surface, se font plus claires, on prend le temps de s’écouter et le temps fait que nous arrivons à mieux comprendre, mettre des émotions sur ses ressentis. Ce serait vous mentir si je vous disais que je peux vous expliquer clairement ce que je ressens, quelles peurs et émotions me hantent et pourquoi ces changements de chemins !

Quel chemin choisir pour nos enfants

Les doutes augmentent quant à nos enfants. Nous nous demandons si le choix est vraiment judicieux d’effectuer cette traversée de l’Atlantique. Oui cela peut leur apporter de belles valeurs, aider dans beaucoup de domaine comme apprendre la patience, travailler sur l’impulsivité et bien d’autres choses, mais il est trop tôt, en particulier pour notre enfant autiste. En fin de compte c’est un choix que nous avons fait, nous parents, de partir en voyage, cela ne fait pas longtemps que nous sommes partis. Les deux traversées que nous avons effectuées de 4 et 6 jours étaient déjà difficiles pour lui. Il a pu nous le formuler. Il est de notre devoir de parent de respecter chacun de nos enfants, être à leur écoute et aller au rythme de chacun. Ils peuvent être fier des navigations qu’ils ont faites. Et nous sommes fiers du choix que nous avons fait de partir, nous ressentons des enfants reposés, moins stressés et heureux.

Quelques ambiguïtés

Ce fut une dure décision à prendre!

A terre tout va toujours bien, nous sommes prêts à partir au bout du monde. En mer tout est difficile, je serais presque prête à prendre le premier cargo qui croise notre route.

Clairement, je ne sentais pas notre famille prête pour cette navigation. Notre passé fait que nous avons besoin de nous reconstruire, ou plutôt de nous consolider, de nous connaître mieux et d’apprendre sur notre famille. C’est d’ailleurs une des principales motivations de notre voyage, cette traversée aurait été à l’encontre de nos besoins.

Il y en a eu des jours où nous nous sommes posés la question de ce que nous allions faire. Nous étions vraiment partagés. Nous avons persévéré jusqu’au Cap Vert. La plus difficile des choses en fin de compte était de nous séparer, de laisser Patrice et Niue traverser l’Atlantique et de laisser filer une partie de nos envies, de notre rêve.

Pour moi, je renonçais à ce que je m’étais fixé, à ce que j’avais clamé haut et fort que j’allais traverser l’Atlantique avec ma famille. Pourtant je vous assure que je ne pensais pas que le voyage allait prendre un autre chemin que celui là, je n’aurai pas osé vous mentir. J’ai appris cette dernière année qu’il était important de s’écouter, d’apprendre à reconnaître ses émotions, de moins penser aux autres, à prendre le chemin qui nous correspond le mieux et essayer de reconnaître quand notre lecture est fausse. C’est ce que nous avons fait.

Patrice et moi savons ce que nous perdons, mais nous savons aussi ce que nous gagnions d’avoir pris cette décision.

Bientôt réuni

Au moment où je vous écris, Niue, Patrice et son équipage sont à environ 130 miles nautiques de la Martinique où nous les attendons les enfants et moi.

Je m’imagine déjà les émotions des retrouvailles, mais aussi la tristesse et la douleur de ne pas ressentir ce qu’ils vont ressentir après 15 jours de mer. Pour l’avoir déjà fait et donc déjà ressenti, ce sont des moments indescriptibles et tellement fort d’arriver et de retrouver la terre. De savourer encore plus subtilement les choses simples de la vie.

Mais en fin de compte, je vivrais cette fois-ci des émotions de l’autre côté et je suis de plus en plus sûre, en voyant les miles diminuer, que le chemin que nous avons pris était le bon.

Un temps pour méditer:

La différence n’empêche pas de vivre ses rêves, ils peuvent être possible en trouvant un autre chemin.